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DE L’ÉGLOGUE LATINE.

comprendre ses églogues, ouvrage de sa vieillesse, consacré en partie à l’expression des sentimens qui avaient rempli sa vie. Sa reconnaissance envers son maître Pontanus, son dévouement à ses princes, l’amour qui troubla ses jeunes années, l’amitié qui consola ses dernières, c’est là le fonds de ces pièces, où la pastorale n’est qu’une forme. Cette forme, il l’a renouvelée ; aux bergers il a substitué des pêcheurs. Cela semble à Fontenelle un caprice inexplicable : « Je ne sais, dit-il, quelle finesse il a entendu à mettre des pêcheurs au lieu des bergers qui étaient en possession de l’églogue. » Sannazar a fait comme Théocrite. Il n’y a pas chez le poète sicilien, chez le poète insulaire, un paysage qui ne se termine à la mer, et il en est venu même à prendre deux pêcheurs pour les héros d’une de ses Idylles, peu estimée de Fontenelle, mais qui n’en est pas pour cela moins naturelle et moins touchante. Sannazar a peint les habitans de la plage charmante de la Margellina ; il les voyait sans cesse avec leurs barques, avec cette mer d’azur où ils semblaient se jouer.

Le Normand Fontenelle au milieu de Paris,


comme dit Voltaire, ne pouvait avoir l’idée de cette nature de rivages et de pêcheurs. Sannazar n’était pas frappé, comme Fontenelle dans son cabinet, de la prétendue tristesse de leur vie. Ils lui offraient au contraire des tableaux rians et gracieux qu’il a su rendre avec ame et talent dans sa cinquième églogue.

Pontanus, avant lui, avait mis dans ses églogues bien des détails pris sur les côtes de Naples. Quel poète, vivant à Naples, pourrait faire autrement ? L’exemple heureux qui renouvelait l’églogue fut suivi et ne pouvait ne pas l’être. Seulement l’églogue maritime parla italien chez Rota, autre poète napolitain, chez Sammarito et d’autres. On chanta Venise et ses lagunes, comme Naples et son golfe ; et plus tard, au XVIIe siècle, Grotius, l’auteur du Liberum mare, célébra, dans des églogues, les canaux de la Hollande. On voit que la littérature maritime n’est pas une découverte de notre temps ; la mer a en sa part dans toutes les compositions faites sur ses bords. Si Virgile eût écrit ses bucoliques à Naples, et non à Mantoue, peut-être eût-il ravi à Sannazar l’honneur de l’invention.

On est d’abord frappé, à la lecture des églogues de Sannazar, de s’y retrouver, au XVe siècle et même au XVIe siècle, en plein paganisme. Ses pêcheurs invoquent les dieux marins de l’antiquité, Amphitrite, Thétis et les Tritons. On aurait tort d’en conclure que ce ne sont pas ses contemporains. Dans son poème de partu Virginis, honoré