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doit s’attacher à tempérer, loin d’en augmenter les ardeurs et la véhémence. Quelques regrets qu’aient pu avoir les opinions et les partis sur des pertes éprouvées, ou sur des noms nouveaux inutilement espérés, il faut reconnaître la liberté et la sécurité des élections de 1837. Ce que les électeurs ont fait, ils l’ont voulu faire. Pouvaient-ils mieux faire ? C’est une question qu’on peut adresser, tant à l’esprit de la loi électorale qu’aux lumières des électeurs, mais non pas au gouvernement qui a étendu sur toutes les opinions l’impartiale exécution des lois.

Il est si vrai que les élections ont été indépendantes, qu’on ne les a vues systématiques de part ni d’autre. Excepté trois ou quatre noms que l’extrême gauche et l’extrême droite se sont attachées à conquérir à tout prix, et sans compter aussi quelques illustrations parlementaires dont le retour était infaillible, les élections n’ont pas eu le caractère d’une lutte politique ; elles ont été plutôt une affaire de convenance locale et d’intérêts matériels. En maint endroit on s’est plutôt proposé l’établissement d’une route et d’un pont que le triomphe d’un droit ou d’une idée : non-seulement toutes les élections ont été libres, mais plusieurs ont été naïves.

La chambre nouvelle arrivait donc dénuée, non-seulement de toute passion, mais même de toute intention politique ; elle arrivait songeant aux affaires, à l’administration. On put clairement reconnaître cette disposition dès les premiers momens de la discussion de l’adresse, quand on entendit M. Dufaure, un des membres de la commission, prononcer ces mots : « Nous n’avons été ni les critiques, ni les apologistes du passé. Le passé appartient à l’histoire ; il a eu ses gloires, ses mérites, ses torts. Nous avons cru qu’il n’appartenait pas à la chambre nouvelle de s’engager dans toutes les discussions qu’il a fait naître, et nous avons reculé devant les divisions qu’un retour sur le passé pourrait introduire dans son sein. Je le répète, le projet a été rédigé dans cette pensée unanime de n’adresser au passé ni un éloge ni un blâme. Voilà quelle a été toute la pensée de la commission[1]. » Jamais assemblée politique n’avait manifesté davantage le désir de rester étrangère aux œuvres de ses devanciers, et n’avait opposé une neutralité plus systématique aux passions qui pouvaient encore rester ardentes et armées.

Cet oubli volontaire de tout ce qui s’était fait avant 1838, devait avoir, pour la chambre et la marche de l’opinion publique, un double

  1. Moniteur du 9 janvier 1838.