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opposés l’un à l’autre, entre lesquels coule l’Oued-Zeitoun, qui a donné son nom à cette contrée et qui l’a reçu lui-même de la grande quantité d’oliviers que l’on élève dans les environs[1]. La beauté des cultures que l’on observe en cet endroit est peut-être sans exemple dans la régence et ferait honneur au pays le plus civilisé.

Le massif qui borde la rive droite de l’Oued-Zeitoun est le plus remarquable ; sa configuration géologique a singulièrement favorisé le travail de l’homme. Toute cette montagne, cultivée depuis sa base jusqu’à son sommet, est partagée en trois zones par deux rampes qui retiennent les terres végétales et annihilent les effets de la déclivité. Ce sont, pour ainsi dire, trois collines étagées au-dessus l’une de l’autre, et la nature a créé ici cette disposition en gradins par laquelle nos cultivateurs montagnards combattent artificiellement les funestes effets des pentes.

La vigne, le figuier et l’olivier prospèrent dans cette contrée au milieu des céréales. L’œil n’est pas désagréablement affecté par ces broussailles, ces touffes de palmiers nains qu’on aperçoit au milieu des champs arabes, et autour desquelles le Bédouin paresseux promène sa charrue pour ne pas se donner la peine de les arracher.

Si, au premier coup d’œil, le bel état des cultures annonce une population industrieuse et active, l’aspect des villages ne fait que confirmer cette première impression. Des gourbies plus nombreuses et mieux bâties que dans aucun autre endroit, souvent des toits en briques au lieu du chaume employé presque généralement ailleurs, quelques maisons blanchies, une mosquée, tout cela forme un ensemble qui plaît et étonne, surtout quand on le compare aux misérables douars de la Mitidja.

La tribu d’Oued-Zeitoun était alors nombreuse et se composait de Goulouglis et de Kabaïles. Elle s’était toujours montrée bien disposée pour les Français, et avait souvent proposé de faire pour nous le service que les tribus dites du Marhzen[2] rendaient autrefois aux

  1. Oued-Zeitoun signifie rivière des oliviers cultivés ; olivier sauvage se dit zain-sboudje.
  2. Tribus du Marhzen, ou de l’autorité ; celles que les Turcs s’étaient adjointes comme milices auxiliaires indigènes. Elles formaient le complément de leur système militaire, et les dispensaient d’entretenir une armée turque nombreuse. En échange des services qu’elles rendaient au dey, elles étaient exemptes d’impôts, et jouissaient de quelques autres priviléges. Il y avait de ces tribus auprès de toutes les villes et sur tous les points importans. C’était un vaste réseau qui couvrait toute l’Algérie et qui contenait le reste de la population indigène. On a laissé dépérir cette importante institution, qui ne demandait qu’à se donner à nous ; et cependant l’utilité que nous avons tirée des Douaiers et des Smélas, tribus du Marhzen d’Oran, devait nous donner une idée des résultats qu’on pouvait obtenir en généralisant l’emploi de ces milices, qui regrettent leur ancienne position. Ayant à redouter la haine de leurs voisins,