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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/447

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VOYAGE AU CAMP D’ABD-EL-KADER.

Turcs, et cela moyennant une faible solde par chaque homme armé.

C’était le 29 décembre 1837 que nous admirions ce beau pays et ses habitans industrieux et riches. Quelques jours après, Abd-el-Kader avait pillé leurs villages et dispersé la population. L’émir comprend bien quelles sont les tribus que leurs antécédens disposent à faire cause commune avec nous, et, quoique nous n’ayons pas tiré parti jusqu’à présent de ces dispositions, il craint que l’envie ne nous en vienne un jour : c’est pour cela qu’il prend l’avance. Il a détruit les Zouetna par le même motif qui lui a fait exiler les Coulouglis de Tlemsen à Tekedemt. Malheur à tous ceux qui nous ont servis ou qui pourraient nous servir un jour ! Il se montre impitoyable pour le passé et menaçant pour l’avenir.

Ceux d’entre les Zouetna qui n’ont pas voulu subir la loi de ce chef sont venus nous demander un asile dans la Mitidja ; on les a aussi bien reçus qu’il était possible de le faire, et ils sont maintenant établis à Khodja-Biri, auprès du Marché de l’Hamise.

Nous avions de la peine à détacher nos regards de ce beau pays d’Oued-Zeitoun ; cependant le jour était déjà bien avancé, et il était urgent d’arriver dans une tribu où nous pussions espérer de recevoir une hospitalité convenable. On a vu plus haut pour quels motifs nous ne pouvions pas coucher chez les Zouetna.

Nous marchâmes jusque vers quatre heures du soir dans la vallée de l’Isser, et nous ne nous arrêtâmes que chez les Beni-Hini, qui habitent sur la rive droite de la rivière. Nos guides demandèrent à cette population, mélangée d’Arabes et de Kabaïles, l’hospitalité pour l’oukil du sultan. Ceux-ci refusèrent d’abord, alléguant leur pauvreté, et nous engageant fortement à pousser plus loin, où nous trouverions, disaient-ils, une tribu très riche qui nous accueillerait parfaitement bien. Mais les cavaliers d’Abd-el-Kader, qui nous parurent très familiarisés avec cette ruse de guerre, insistèrent tellement, que, moitié de gré, moitié de force, on nous laissa nous installer dans la gourbie isolée qu’on trouve dans tous les villages kabaïles, et qui sert à recevoir les étrangers.

Le peu d’empressement que l’on mettait à nous accueillir nous aurait peut-être affectés désagréablement, si une scène qui arriva presque au même instant n’avait pas donné un tout autre cours à nos idées. Un juif d’Alger, frère d’une notabilité diplomatique de la ré-

    qu’elles ont si souvent châtiés du temps des Turcs (et dont elles savent cependant se faire encore respecter, quoique abandonnées à elles-mêmes), elles sont à nous par le fait même de leurs antécédens et par leur position actuelle.