arrêtâmes environ une heure, les habitans nous parlèrent dans ce sens, et ne nous cachèrent pas que, sans la protection des cavaliers de l’émir, ils nous auraient tous massacrés ; opération, disaient-ils, que leurs vieilles femmes auraient suffi à exécuter. Malgré ces paroles assez peu rassurantes, ils nous apportèrent de l’eau, du lait, et n’hésitèrent pas à nous rendre quelques services, même sans que nous leur en fissions la demande. En général, nous avons observé presque partout que les individus qui nous avaient d’abord assez mal reçus finissaient toujours par s’humaniser.
À l’endroit où l’Oued-el-Djemâ se jette dans l’Isser, et avant le grand village des Beni-Aroun, nous avions quitté la vallée de l’Isser ; et, franchissant les montagnes qui bordent la rive gauche de cette rivière, nous nous étions dirigés vers le sud. Arrivés dans une vallée étroite, nous franchîmes une nouvelle crête parallèle à celle qui sépare cette vallée du bassin de l’Isser, puis nous descendîmes dans la plaine de Hamza, où nous pensions trouver le camp de l’émir.
Nous vîmes dans cette plaine environ 1500 Aribs logés sous la tente, et répartis en quatre douars placés sur les bords de l’Oued-el-Ak’hal, rivière qui sépare la province d’Alger de la province de Constantine.
Là, nous apprîmes qu’Abd-el-Kader, après avoir fait une expédition aux Biban (défilé célèbre placé sur la route de Constantine) et avoir soumis les Kabaïles nommés Nougha, qui habitent tout l’espace compris entre l’Oued-el-Ak’hal et les Biban, était revenu à Hamza fêter le beyram. Pendant que ces réjouissances religieuses avaient lieu, l’émir avait appris que les Nougha venaient d’assassiner un chiaouche qu’il leur avait envoyé pour percevoir le tribut. Il paraît que ce dernier avait commis pour son compte personnel des exactions qui avaient provoqué cette révolte. Quoi qu’il en soit, l’émir retourna immédiatement chez les Nougha, et c’est pendant qu’il était occupé à les châtier que nous arrivâmes à Hamza.
On a vu qu’en général nous avions été assez froidement accueillis partout à notre arrivée. Nous comprenions trop bien les inimitiés religieuses et politiques de nos hôtes, pour nous étonner de ce fait : aussi, quand nous arrivâmes chez les Aribs de Hamza, l’air mécontent qu’ils prirent à notre aspect ne nous causa aucune surprise. Mais une scène assez grave, et qui aurait pu le devenir bien davantage, si elle n’avait été arrêtée presque aussitôt, nous attendait dans cette tribu. Avant d’en commencer le récit, il ne sera pas inutile de parler des personnes qui y prirent la plus grande part. Nous avons déjà dit que notre escorte se composait de quatre cavaliers d’Abd-el-Kader ;