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M. Livingston se prononce également contre la peine de mort. Ce n’est pas qu’il refuse à la société le droit de prendre la vie de celui qui se met en insurrection ouverte contre elle ; mais il ne le lui accorde qu’au moment même de l’attaque. Dès que la crise de la défense est passée, et que son ennemi est devenu son prisonnier, il ne lui attribue plus le même privilége, parce qu’il n’y voit plus la même nécessité. Le caractère irrémissible de cette peine, la faillibilité de la justice humaine, la responsabilité d’une erreur irréparable, qui, selon lui, ne doit pas tomber sur le juge condamnant d’après les apparences, mais sur le législateur sachant que ces apparences peuvent être quelquefois trompeuses ; l’inefficacité de l’exemple qui, toujours d’après lui, pousse plus vers le crime par la vue du sang et par l’entraînement de l’imitation, qu’il n’en détourne par la crainte ; l’horreur du spectacle qu’offre ce sacrifice sanglant d’un être plein de force, auquel la société, qui ne lui a pas donné l’existence, s’arroge comme Dieu le droit de l’ôter, et cela de sang-froid, sans la nécessité actuelle de se défendre, pour la sauve-garde incertaine d’une abstraction, avec la possibilité de se tromper, et sans que l’ame accablée ou endurcie de celui qui a tué et que la loi tue, surprise dans le mal, et y étant encore pour ainsi dire tout enveloppée, soit prête à ce grand passage de la vie à la mort, inspirent à M. Livingston une invincible répugnance pour elle. Il l’exclut donc de son code.

Quelles sont dès-lors les peines infligées par le code de M. Livingston ? Elles sont de plusieurs espèces, et toutes destinées à opérer le châtiment et la réforme du criminel. Elles doivent agir sur son ame plus que sur son corps. Ainsi l’emprisonnement simple, l’emprisonnement avec travail, l’emprisonnement solitaire, sont prononcés contre les diverses espèces de délits ou de crimes. Il les emploie de façon à atteindre les différens degrés de perversité morale. Le système pénal de M. Livingston est un système pénitentiaire. Placé entre les deux fameux régimes suivis dans la prison d’Auburn et dans celle de Philadelphie, qui sont devenus l’objet d’un examen universel, dont l’un isole les prisonniers pendant la nuit, et, après les avoir classés, les fait travailler en commun, mais en silence, pendant le jour ; et dont l’autre prescrit l’isolement de jour et de nuit, la séparation complète des prisonniers et leur travail solitaire, M. Livingston adopte un régime mixte qui semble réunir les avantages et exclure les inconvéniens de chacun des deux autres. Ainsi, il inflige au criminel l’emprisonnement pour lui faire expier le mal qu’il a commis par la privation de la liberté dont il a abusé ; il le place dans la solitude pour