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REVUE. — CHRONIQUE.

notable. C’est qu’en effet, monsieur, je désire qu’on soit juste envers la Belgique, et je trouve qu’on ne l’a pas été dans le partage de la dette. En ce point, non seulement le traité peut être refait autrement, mais de plus, il y a d’excellentes raisons pour qu’il le soit. Je crois que les conséquences des funestes évènemens du mois d’août 1831 se sont principalement fait sentir dans les stipulations financières du traité des vingt-quatre articles, puisque évidemment on a surchargé alors la Belgique, sous le prétexte de lui assurer des avantages commerciaux dont elle ne se souciait pas et ne pouvait guère profiter de long-temps. Ainsi, en obtenant la révision de cette partie du traité, on effacerait, au profit de la Belgique, les traces de la réaction dont elle se plaint ; on lui enlèverait le droit de se dire sacrifiée à la Hollande, par suite du succès que celle-ci aurait déloyalement remporté, après la rupture inattendue de l’armistice. Quand la négociation fut reprise au mois de septembre, la conférence et l’Europe voulaient en finir avec la question belge. On était fatigué de cet interminable débat, et l’on se contenta, un peu légèrement, des premières informations qui se présentèrent sur la dette. Voilà ce qu’il s’agit de corriger pour l’avenir, et, quant au passé, je regarde le non-paiement des arrérages depuis le 13 janvier 1832, comme la juste punition des lenteurs de la Hollande. Il ne serait pas possible aujourd’hui que le roi Guillaume signât purement et simplement le traité des vingt-quatre articles ; on reconnaît qu’il y a, dans certaines clauses, des changemens indispensables de rédaction à opérer. Cela entraîne donc nécessairement une négociation nouvelle, et c’est dans cette négociation que se place naturellement la discussion de la question des arrérages. Il y a justice et opportunité à le faire. Si les intentions du roi de Hollande sont droites et loyales, s’il a besoin, comme on le pense généralement, de fermer cette plaie, on s’entendra, et la paix de l’Europe ne sera point troublée.

Allez plus loin, me dit M. le comte de Mérode, ne craignez rien ; déclarez à la confédération germanique et au cabinet de La Haye que le Luxembourg et le Limbourg doivent rester à la Belgique, et la paix de l’Europe n’en sera pas troublée davantage ; l’Europe se trouvera encore bien heureuse d’en sortir à si bon marché ! Je voudrais partager la confiance de M. de Mérode ; mais, en conscience, je ne le puis. Les deux grands principes, les deux intérêts rivaux qui se disputent l’Europe, s’équilibrent encore. Mais combien de ménagemens ne faut-il pas pour empêcher cet équilibre de se rompre ! Un mot de la France est bien puissant, je le sais ; cependant la force des choses est bien plus puissante, et c’est la force des choses, qui au-delà d’une certaine limite, d’un côté ou de l’autre, déterminerait infailliblement la guerre générale. Croyez que l’Europe de 1815 ne rendrait point son épée sans combat. Si au moins l’Allemagne était divisée, mais je vois la Prusse, l’Autriche, la Bavière, tous les états de la confédération germanique, étroitement unis. La question religieuse, soulevée par l’affaire de Cologne, avait un instant troublé cette union. Les passions catholiques du roi de Bavière avaient fait explosion et vivement irrité le cabinet de Berlin. La sagesse et l’esprit de conciliation