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quelques coups de bêche à la surface pour qu’elle donne une riche moisson. Le voyageur allemand fut singulièrement frappé de la paresse des Persans, lorsqu’il vit quelle espèce de marchandises on leur apportait d’Astrakan. C’étaient de petits coffres d’un travail fort simple qu’on leur vendait fort cher et qu’il leur eût été facile de faire bien plus beaux avec les excellens bois qu’ils possèdent en abondance, des cuirs en grande quantité, quoiqu’ils aient beaucoup plus de moutons et de vaches qu’il n’en faut pour se procurer cet article, et d’autres choses semblables. M. Eichvald fut également étonné de la haine fanatique vouée aux chrétiens par les habitans du Mazenderan. Ainsi, pendant son voyage à Balfrouch, capitale de cette province, il fut entouré d’une troupe d’enfans qui l’accablèrent d’injures et jetèrent de la boue aux matelots dont il était escorté, bien qu’il fût en compagnie d’un riche marchand du pays. Cette malveillance dont il eut à souffrir dans plus d’une occasion, se manifesta sous une autre forme dans ses rapports avec le khan de Balfrouch qui, après lui avoir fait de très belles promesses, chose dont les Persans ne sont pas avares, l’empêcha de faire, dans les montagnes, une excursion à laquelle il tenait beaucoup. Pourtant le chah, sur la demande de l’envoyé russe, avait donné l’ordre de procurer au professeur allemand toutes les facilités possibles pour ses explorations ; mais ce sont là des ordres dont les khans ne tiennent aucun compte. Le khan de Balfrouch est tout puissant dans sa ville : moyennant le paiement d’une redevance annuelle au chah, il peut pressurer les habitans à sa volonté ; il leur impose diverses taxes, supportées particulièrement par les marchands et les ouvriers ; le bazar lui donne de grands revenus. Si le khan ne plaît plus au chah, il en envoie un autre et enlève au précédent toutes ses richesses. Quiconque a assez d’argent pour payer cet honneur peut devenir khan : celui qui paie le mieux a la meilleure province. Des Arméniens même peuvent obtenir cette dignité quand ils sont assez riches pour l’acheter.

Le Mazenderan est une des provinces les plus fertiles de la Perse, et il est souvent mentionné dans les anciennes poésies. « Qu’est-ce que le Mazenderan ? dit Firdoussi ; n’est-ce pas la terre des roses ? ni trop chaud, ni trop froid ; un printemps éternel. » C’est un pays charmant : aussi Abbas-le-Grand résidait de préférence à Ferabad, et le dernier chah, Feth-Ali, visitait souvent son palais de Balfrouch. « Si cette province, dit M. Eichwald, était convenablement cultivée, elle pourrait donner des revenus très considérables ; malheureusement les Persans sont de la plus grande ignorance en agriculture. La soie,