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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L'ASIE OCCIDENTALE.

le coton, le riz et le vin, objets qu’on traite avec la dernière négligence, pourraient produire immensément ; la culture de la canne à sucre devrait aussi prendre une grande extension. Elle réussit très bien, mais on ne travaille pas le sol et on ne fait rien pour en augmenter la fécondité : puis on ne sait faire, en Mazenderan, qu’un mauvais sucre brun, d’une douceur nauséabonde. Si l’on soignait la culture de la canne et qu’on établît des raffineries, ce qui pourrait se faire en grand à Astrakan, cette province deviendrait une source de richesses, d’autant plus qu’on pourrait y introduire l’indigo, qui y viendrait sans doute aussi bien que la canne à sucre, la casse et le galbanum. Mais pour cela il faudrait que ce pays fût sous la protection de la Russie, et qu’il s’y établît des colons européens. »

M. Eichwald fut encore plus mal reçu dans le Ghilan que dans le Mazenderan. La corvette, étant arrivée devant Enzli, jeta l’ancre à une lieue et demie du rivage, parce que cette rade est la plus dangereuse de la mer Caspienne, et qu’il faut toujours s’y tenir prêt à gagner promptement le large. Un sous-officier tartare fut d’abord envoyé en reconnaissance ; mais à peine parut-il dans le port, que le peuple, à la vue de son uniforme, se mit à jeter de grands cris, en lui enjoignant avec menaces de ne pas venir à terre. Il eut beau dire qu’il était envoyé au khan pour obtenir la permission de débarquer, on lui jeta des mottes de terre, et il fut obligé de revenir à bord. Le lendemain, M. Eichwald alla lui-même faire une nouvelle tentative, mais il trouva sur le rivage une quantité de Persans rassemblés pour l’empêcher de débarquer, et des envoyés du khan vinrent dans un canot lui dire qu’on ne pouvait le laisser venir à terre sans avoir obtenu l’autorisation du chah Sadek de Ghilan : on désigne ainsi un fils du chah, gouverneur de province, et celui dont il s’agissait était un enfant de six ans. Il voulut se prévaloir de l’autorisation donnée par le chah lui-même ; mais il lui fut répondu qu’on n’en savait rien, qu’on allait envoyer un exprès à Recht, et que la réponse arriverait infailliblement dans deux jours. « Je vis bien, dit-il, que c’était une ruse persane pour nous tenir loin du port, et nous faire attendre indéfiniment sur cette rade si dangereuse. Quoique le chah soit en bons rapports avec la Russie, les Persans ne permettent pas aux bâtimens de guerre russes de débarquer sur la côte du Ghilan. Il n’en est pas de même des bâtimens marchands sur lesquels il ne se trouve ni soldats, ni canons. L’année précédente, ils avaient chassé d’Enzli le consul russe qui était revenu à Bakou, parce que le chah lui-même s’était opposé à ce qu’il habitât Enzeli, tout en lui offrant l’autorisation de