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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/672

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REVUE DES DEUX MONDES.

converti à la religion du Christ par les successeurs de saint Patrick. Sa jeunesse avait été orageuse ; il s’était fait prêtre à la suite d’un amour malheureux. Enflammé par l’exemple de Patrick et de Ninian, qui avaient converti l’un l’Irlande, l’autre les provinces du sud de l’Écosse, comprises entre la Clyde et le Solway ; encouragé, d’un autre côté, par le succès de Paulin, qui venait de faire adopter la religion du Christ au roi anglo-saxon Edwin et à sa femme Ethelberge, il résolut de prêcher la nouvelle croyance aux sauvages habitans des îles et des provinces du nord de la Bretagne. Ces peuples, alors comme aujourd’hui, étaient partagés en diverses tribus ou clans. Chacun de ces clans était gouverné par un chef, à la fois chef de la famille et chef de l’état. Ces peuples étaient pour le moins aussi féroces et aussi sauvages que le sont de nos jours les habitans de la Nouvelle-Galles du Sud ou de la Nouvelle-Zélande. Sans villes, sans commerce, sans lois, ne vivant que de la chasse ou de la pêche, leur religion n’était qu’un grossier paganisme ; ils pratiquaient le druidisme dans toute sa barbarie ; ils adoraient les vents, les nuées, les forêts, le feu du soleil. Leurs prêtres étaient les druides, leurs autels ces pierres druidiques (peulven, menhir ou dolmen) qu’on rencontre encore debout dans toutes les îles : sur ces autels coulait le sang de victimes humaines.

Colum n’avait pas le don des miracles comme saint Patrick, et n’était pas riche comme Paulin. Il ne pouvait pas offrir aux chefs des Scots, comme ce dernier, des tuniques de lin ornées de broderies d’or, ni des manteaux de laine fine ; il ne pouvait pas placer sur la tête de leurs femmes des peignes d’ivoire enrichis d’ornemens d’or[1] : Colum n’avait que le zèle et la patience de Ninian. Colum n’en persista pas moins dans sa périlleuse entreprise ; ne pouvant ni étonner les esprits, ni les séduire, il voulut les convaincre. Dans le printemps de l’an 565, au dire de Bède, l’historien saxon, tandis que l’empereur Justin régnait en Orient, Colum se hasarda, au milieu des détroits et des mers orageuses de l’ouest de l’Écosse, sur une misérable barque construite comme les barques danoises, avec quelques cerceaux d’osier recouverts de peaux de bœufs, et il aborda à Oronsay. Il était encore trop près des côtes de sa patrie qu’il pouvait voir et qui lui rappelaient d’amers souvenirs ; il remit donc à flot sa barque grossière, et, traversant de nouveaux bras de mer, il s’arrêta dans une petite île déserte, située sur la côte occidentale de l’île de Mull. Cette petite île, long-temps le sanctuaire des druides, s’appelait Hy ou en latin Iona. C’est là que Colum et ses compagnons d’aventures fondèrent un établissement qu’on appelait alors monastère, mais qui différait essentiellement de ce que l’on entendit plus tard par ce mot, et qu’on pourrait assez justement comparer à ces fondations philosophiques et industrielles que de nos jours quelques socialistes ont tenté d’établir. Colum, en effet, n’amenait avec lui que de pauvres ouvriers et des laboureurs. Les laboureurs enseignaient

  1. Henrici Huntingdon hist., pag. 327.