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SOUVENIRS D’ÉCOSSE.

rendaient processionnellement à l’église pour entendre une bonne messe et non un méchant sermon. Mac-Leod, le frère de la sainte, qui d’ordinaire habitait le continent, était protestant ; un jour qu’il débarquait dans l’île de Rum, il rencontra la procession des catholiques qui se rendait à l’église ; Mac-Leod, de son côté, se rendait au temple qu’on avait bâti auprès de l’église et où le ministre l’attendait ; il ordonna donc à ses paysans de le suivre. Ceux-ci, encouragés par les paroles de la sœur du laird qui marchait avec eux, n’en firent rien et continuèrent leur route du côté de leur église. Alors Mac-Leod furieux s’élance en avant de la procession, et commande à l’homme qui menait la file de tourner vers le temple, et comme celui-ci restait immobile, il lui asséna sur la tête un si bon coup d’un bâton jaune qu’il tenait à la main, que le pauvre homme, étourdi, prit le chemin du temple au lieu de se rendre à l’église, et que tous les autres, excepté la sœur du laird, le suivirent sans faire entendre un murmure. Depuis cette époque, nos voisins de Rum sont restés protestans. »

L’habitant de l’île d’Egg achevait son récit comme nous arrivâmes dans la capitale de l’île. Cette ville s’appelle Threld ; elle se compose de cinquante à soixante maisons bâties en cailloux et en mortier, et qui n’ont que la terre pour plancher. Les toits formés de chevrons à peine attachés entre eux sont couverts de dalles de gazon et de fagots de bruyère réunis par des liens de bruyère ; le jour ne pénètre guère dans ces maisons que par la porte et par une ouverture pratiquée au haut du toit, qui sert d’issue à la fumée et qu’on a eu soin de ne pas placer au-dessus du foyer qu’autrement la pluie éteindrait. La population de ce hameau et de l’île entière ne se compose que de quatre cent cinquante à quatre cent soixante habitans qui, malgré l’apparence misérable de leurs maisons, vivent presque tous dans l’aisance. L’île d’Iona a trois milles de longueur sur un mille de largeur ; du côté de l’est, le sol est plat et d’une excellente qualité. Aussi toute cette plaine est-elle bien cultivée et très fertile. Vers l’ouest s’élève une chaîne de petites collines couvertes de bruyères et dominées par la montagne de l’Abbé dont la hauteur ne dépasse pas quatre cent cinquante pieds ; du côté du sud, les pentes de cette montagne et des collines sont décharnées, et les pointes du roc nu percent à travers les bruyères, les mousses et une épaisse couche de plantes sauvages.

Telle est cette île, fameuse entre toutes celles de l’archipel britannique, comme ayant été le berceau du christianisme et en même temps de la civilisation dans l’Écosse et le nord de l’Angleterre. Dans ces temps reculés et chez les peuples barbares qui habitaient alors les îles de l’ouest et les montagnes de l’Écosse, la civilisation marchait toujours à la suite du christianisme.

L’homme qui avait entrepris le grand œuvre de la conversion des habitans des îles et des montagnards de la Calédonie, avait bien cet enthousiasme persévérant et cette fermeté passionnée qui conviennent aux novateurs et aux apôtres. Columba, ou plutôt Colum, né dans l’île d’Erin (l’Irlande), avait été