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SOUVENIRS D’ÉCOSSE.

une épée d’une main et un pistolet de l’autre. Tous ces guerriers sont rangés côte à côte à l’entrée du monument. Ces grands chefs de Mull et des îles voisines, dont l’existence fut si turbulente, armés comme de leur vivant, dorment là du même sommeil. Une inscription à demi effacée, tel est le seul souvenir qu’ils aient laissé de leur puissance.

Ces tombes et celles de quelques abbés sont à peu près les seules qui soient restées intactes. Nous cherchâmes vainement les sépulcres des rois ; il n’en reste aucun vestige. Les débris des chapelles où on les avait placés, et qui, moins solides que la chapelle de Saint-Oran, ont été renversées de fond en comble, les recouvrent entièrement. Ces chapelles étaient au nombre de trois, et on distingue à trois monceaux de ruines la place qu’elles occupaient autour de celle d’Oran. On les appelait Jomaire-nan-righ, ou les tombeaux des rois. La plus considérable, fondée, dit-on, par Fergus II, portait pour inscription : Tumulus regum Scotiæ, et renfermait les restes des quarante-huit rois écossais ; dans la seconde reposaient les huit rois norwégiens, et, dans la troisième, les quatre rois islandais.

Il faut croire sur parole ce qu’on rapporte du nombre de ces tombes et des qualités des personnages qui y étaient ensevelis, car il est impossible de découvrir au milieu de ces ruines une seule inscription qui donne à ce sujet aucune lumière. Un antiquaire que le duc d’Argyle autoriserait à fouiller ces débris, ferait sans nul doute, dans le reliquaire d’Oran, des découvertes d’un grand intérêt sur les premières époques de l’histoire d’Écosse et sur la dynastie des fils d’Alpin. La chapelle de Saint-Oran et les trois chapelles royales sont entourées d’une multitude de pierres tumulaires de toutes les grosseurs et de toutes les tailles, mais dont on a peine à distinguer les formes à travers l’épaisse enveloppe de mousse, de graminées et de plantes saxatiles qui les recouvre. Pour découvrir et déchiffrer une seule inscription, il faudrait un jour de travail. On en a cependant recueilli un grand nombre en caractères galliques, islandais ou saxons. Le nombre de ces inscriptions recueillies était de trois cents environ en 1688. Elles furent données au duc d’Argyle, et perdues, à ce qu’on assure, lors des désastres qui frappèrent cette puissante famille.

À soixante-dix pas de la chapelle d’Oran, un morceau de granit rouge s’élève au milieu des ronces et des gramen. C’est, à ce que l’on assure, le tombeau du roi de France qui a été enterré à Iona. Quel était le nom de ce roi ? Quand fut-il enterré dans cette enceinte ? La pierre ne le dit pas, car ce morceau de granit est brut et n’a jamais porté d’inscription ; on le prendrait pour un peulven celtique plutôt que pour le tombeau d’un roi.

L’enceinte funèbre de Relig Ourain était un asile inviolable ; mais cependant ce droit d’asile n’était pas absolu, et les règles auxquelles il était soumis étaient en quelque sorte restrictives de l’abus. Le dialogue suivant peut nous en donner la preuve.

Une nuit, un Mac-Lean se présente à la porte de l’asile, tout couvert de sang ; des cavaliers le poursuivent.