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annoncer cet heureux événement, en le qualifiant de garantie nouvelle à la stabilité de nos institutions ? Le roi, qui nous a montré quelle éducation reçoivent ses enfans, avait bien le droit de parler ainsi d’avance de son petit-fils. Le trône ne manque pas aux princes qu’on élève de la sorte, car ils sont dignes de le remplir. Et peut-être n’eût-il pas manqué au duc de Bordeaux lui-même, si la France n’avait su qu’il n’y avait rien à attendre pour elle de l’élève de l’abbé Tharin.

Ce ne sont pas, en effet, les naissances royales qui ont manqué à la France depuis quinze années ; ce sont les éducations royales qui ont manqué aux princes que la providence avait accordés aux vœux du pays. Le roi de Rome eut le malheur de naître en un temps où le despotisme le plus pesant ne laissait parvenir que l’adulation au pied du trône. Les grands malheurs qui renversèrent si promptement cette haute fortune, furent l’effet même des fautes du fondateur de cette race, détruite dans son germe. Le duc de Bordeaux porte aussi le poids des fautes du chef de sa maison. Né dans un temps de liberté et de vérité, il eût peut-être profité de ces circonstances favorables ; mais, au lieu de l’élever au milieu de la France et de la lui faire connaître, on le renferma dans le sein d’un parti, on lui répéta que les siens n’avaient jamais cessé de régner, on lui dissimula jusqu’aux faits de cette longue et immense révolution dont la connaissance seule pouvait le rendre propre à la conduire. En présence du régime constitutionnel qu’on lui apprenait à détester, au milieu d’un peuple libre et fier de ses droits nouveaux, le jeune prince vécut comme s’il était dans l’émigration ; on l’entoura de ceux qui haïssaient le plus les institutions qu’il devait jurer de maintenir, et le premier acte politique dont l’étiquette de palais ne put lui dérober la connaissance, ce fut la violation d’une parole royale donnée solennellement trois fois à la face du pays. Les premiers coups de canon qu’il entendit, ce furent ceux que le roi son aïeul faisait tirer sur son peuple, et la première fois qu’on lui fit voir la France et ses populations, ce fut quand il les traversa pour se rendre en exil. Ces grands malheurs ont-ils au moins profité au dernier rejeton vivant des dynasties perdues ? Les organes éclairés de la vieille légitimité, qui savent à quelles conditions on régnera désormais en France, quelque nom qu’on porte, en doutent, ou plutôt en désespèrent. La Gazette de France ne déclarait-elle pas elle-même, il y a peu de jours, que le règne de Henri V était incompatible avec une constitution quelconque ? et la feuille que nous citons était bien informée. Voudra-t-on nier, en effet, que le petit-fils de Charles X dit hautement, en toute occasion, qu’il refuserait le trône de France si on le lui offrait avec une charte, et qu’il ajoute que la révolution de juillet lui semble l’évènement le plus heureux ; car autrement il eût reçu la couronne avec l’obligation d’être un roi constitutionnel, comme l’était son aïeul, qui n’a qu’un tort à ses yeux, celui d’avoir attendu quatre ans avant de signer les ordonnances ? Ces paroles sont authentiques, et mille témoins élèveraient la voix pour répondre à ceux qui les nieraient.

Qu’on s’étonne maintenant que le trône ait manqué aux héritiers ! Mais