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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/737

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REVUE. — CHRONIQUE.

ques années, les îles Malouines ou Falkland, dont la confédération argentine se croit l’incontestable souveraine[1]. Un pareil langage eût été assurément fort logique. Mais lord Strangford, en excellent patriote, ne voit que la paille dans l’œil de son voisin, et se garde bien de faire mentir l’admirable sentence de l’Évangile. Encore s’il s’était borné à déplorer des collisions, qui portent, je le sais, un certain préjudice au commerce anglais ; s’il avait engagé son gouvernement à provoquer, de la part du Mexique ou de Buenos-Ayres, une demande de médiation, pour y mettre un terme le plus tôt possible ! je comprendrais cette recommandation et ne la prendrais point en mauvaise part. Mais lord Strangford va beaucoup plus loin : il fait positivement le procès à la légitimité des griefs de la France ; il donne formellement raison aux deux gouvernemens qui, après avoir si long-temps abusé de notre modération et de notre patience, ne nous ont laissé d’autre alternative que le déshonneur ou la guerre. Lord Strangford discute les sujets de plainte, qui, après tant de funestes lenteurs, nous ont mis les armes à la main ; il se récrie contre le chiffre d’une indemnité de pillage, réclamée par je ne sais quel marchand français à Mexico ; il déclare que le gouvernement de Buenos-Ayres est fondé à violer, dans la personne des Français, tous les droits de l’humanité et tous les principes des relations inter-nationales. En vérité, monsieur, j’ai peine à me persuader qu’un homme d’état, familier, comme il l’est sans doute, avec le caractère des nouvelles républiques américaines et l’histoire de son propre pays, ait sérieusement soutenu ces opinions au milieu du parlement britannique ; et je me demande à quoi sert donc la modération d’un gouvernement, si, dans une affaire où elle n’éclate que trop, on trouve le moyen de dénoncer une avidité sans bornes et une ambition démesurée.

Ce n’est pas sans raison que je renvoyais tout à l’heure lord Strangford à l’histoire de son propre pays, pour apprécier plus justement la conduite de la France dans ces malheureux différends avec le Mexique et la confédération argentine ; car enfin, l’Angleterre a aussi eu les siens ; elle en a eu avec le Pérou, avec le Chili, avec Buenos-Ayres, avec la Nouvelle-Grenade, avec

  1. Le 3 janvier 1833, un bâtiment de la marine royale britannique prit fort cavalièrement possession de l’établissement buenos-ayrien de la Soledad, dans une des Malouines, en expulsa le gouverneur qui y résidait au nom de la république argentine, et renvoya à Buenos-Ayres la corvette américaine destinée à protéger cet établissement naissant. Quoique les Anglais aient occupé, dans le siècle dernier, une des Malouines, ils ont reconnu, en restituant par la suite cette possession à l’Espagne, une souveraineté dont les provinces-unies du Rio de la Plata paraissent avoir très légitimement recueilli l’héritage. Cependant, quelques démarches qu’ait faites à Londres le gouvernement de Buenos-Ayres, je ne sache pas qu’il ait rien obtenu, et la prise de possession des Malouines par l’Angleterre est devenue un acte irrévocable, à moins que la marine anglaise n’y trouve pas les avantages qu’elle s’en était promis. Si l’on voulait être rigoureux, on aurait peut-être le droit de signaler dans ce fait un abus de la force, auquel l’établissement du poste français sur la rive droite de l’Oyapock ne saurait être comparé. Mais il faut ajouter, pour la consolation de Buenos-Ayres, que si l’Angleterre n’avait pas occupé les Malouines le 3 janvier 1835, les États-Unis s’en seraient peut-être emparés le 4.