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DU THÉÂTRE CHINOIS.

vent leur petit-fils ; c’est dans un temple bouddhique et sous le costume d’un prêtre de cette religion qu’ils reconnaissent leur fils. Une puissance surnaturelle semble amener tous les personnages à la pagode du sable d’or où les attend l’accomplissement de leur destinée. Il est remarquable que cette pièce, plus dévote que toutes les autres, soit l’ouvrage d’une courtisane.

C’est une courtisane qui est l’héroïne d’un autre drame traduit par M. Bazin. Elle se nomme Tchang-iu-ngo. Un riche négociant est au moment de la prendre pour seconde femme, à la grande mortification de son épouse légitime. Il n’est pas facile, pour le pauvre homme, de mettre d’accord les prétentions de ces deux dames. Elles commencent, en vraies Chinoises, par se piquer sur l’étiquette. Tchang-iu-ngo fait ses conditions d’avance : « Je veux maintenant présenter mes hommages à votre femme légitime ; je lui témoignerai mon respect par quatre salutations ; elle devra recevoir la première, se lever à la seconde, et me rendre la troisième et la quatrième. » L’épouse légitime, n’ayant pas les mêmes idées sur les devoirs de la politesse envers la demoiselle, reste sur sa chaise. De là des injures et des coups. Enfin la bonne dame suffoque de colère et expire bientôt. La nouvelle épouse s’enfuit avec un misérable qui croit avoir noyé le pauvre mari. Un général achète l’enfant de celui-ci à la nourrice qui l’a sauvé, pour la somme d’une once (7 francs 50 centimes). Au bout de treize ans, son père adoptif se décide à l’éclairer sur son origine, car, dit-il, si je ne le fais pas aujourd’hui, dans quel siècle d’existence pourrai-je lui révéler ce secret si pénible : Je n’ai pas de descendans. Il apprend donc au jeune homme son histoire, et ce dernier finit par retrouver son père ; la reconnaissance se fait au moyen d’une romance que chante la nourrice et qui contient les aventures de la famille. Les deux coupables retrouvés et sur le point d’être punis se poignardent. En somme, cette composition est la plus médiocre du recueil. La vente de l’enfant offre seule quelque intérêt.

Il n’en est pas de même du Ressentiment de Teou-ngo : cette pièce offre quelques passages d’un pathétique qui ne manque pas d’une certaine grandeur. La malheureuse Teou-ngo est condamnée à mort pour un crime dont elle n’est point coupable. Au moment de son supplice, elle s’adresse au procureur-criminel qui assiste à l’exécution.

« Seigneur ! j’ai une grâce à demander à votre excellence ; si elle daigne me l’accorder, je mourrai sans regret.

LE PROCUREUR-CRIMINEL.

Quelle grâce avez-vous à demander ?