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La principale cause des revers de l’empire ottoman fut la faiblesse du gouvernement. Le sultan ou ses ministres n’envoyaient pas assez d’argent à l’armée pour la payer et l’entretenir convenablement : les pachas, habitués à l’oisiveté et ne pensant qu’à s’enrichir, s’appropriaient une partie des fonds qui leur étaient envoyés : ils n’obéissaient qu’à contre-cœur à l’ordre de rassembler les troupes ; d’un autre côté, les beys ne s’empressaient guère de faire ce qui leur était commandé par les pachas : les troupes n’étaient pas payées et se débandaient. Les Turcs se battirent pourtant bravement, surtout à Akhaltzikhé, mais ils furent soutenus par le fanatisme, par leur vieille haine contre les chrétiens et par la crainte que les Russes n’exerçassent de terribles représailles pour leurs dévastations et leurs brigandages.

La déclaration de guerre de la Russie parut le 26 avril 1828 ; le 3 mai, une flotte armée à Sébastopol et commandée par le vice-amiral Greigh fit voile vers Anapa : c’était aussi le 3 mai que l’armée de Bessarabie passait le Prouth et marchait vers le Danube. Anapa, dont nous avons fait connaître ailleurs la position et l’importance, fut assiégée à la fois par terre et par mer. La garnison, commandée par le pacha Osman-Oglou, se défendit vaillamment ; les montagnards du Caucase essayèrent de la secourir et vinrent attaquer les assiégeans. Néanmoins la place se rendit après une résistance de quarante jours, quand tous les moyens de défense eurent été épuisés. Les Russes y trouvèrent quatre-vingt-cinq canons, vingt-neuf étendards et de nombreuses munitions.

La position de Paskewitch en Géorgie était moins simple et plus difficile. Sur les 44 à 45,000 hommes dont il pouvait disposer, une partie devait être employée à défendre le pays contre les attaques des montagnards, à observer la frontière persane, à occuper le territoire de Khoï jusqu’au paiement intégral de l’indemnité due par la Perse, et enfin à fournir de garnisons les villes et les places fortes de la Géorgie. Il lui restait au plus vingt mille hommes à mettre en ligne, tandis que les Turcs pouvaient lui en opposer le double et même le triple en y mettant un peu d’activité. Il vit tout de suite que ce n’était qu’en prévenant l’ennemi et en frappant un coup heureux qu’il pouvait assurer le succès de la campagne. C’était là le grand point : car une défaite au début suffisait pour tout perdre. Les peuples du Caucase n’attendaient qu’un revers pour se soulever ; les mahométans de Géorgie auraient fait défection, et les Persans auraient aussitôt déclaré la guerre. Il fit donc ses préparatifs avec la plus grande activité, et se mit promptement en état de passer la frontière avec un corps de