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en mouvement. Il entra d’abord dans un défilé qui conduit au haut d’une montagne ; de là on descend dans la vallée où s’étendent les populeux faubourgs d’Erzeroum et où s’élèvent les murs crénelés qui entourent la ville. On fit halte à un peu plus d’une lieue de la place, parce que plus loin on ne trouvait pas d’eau. Sitôt que l’avant-garde se montra sur les hauteurs, une troupe de cavalerie sortit des retranchemens, et vint faire, sur les avant-postes russes, un feu de tirailleurs peu dangereux et auquel on ne riposta pas.

Paskewitch avait renvoyé les députés de la ville sous la conduite du prince Bekewitch-Tcherkaski : celui-ci devait lui faire connaître, avant dix heures du matin, le résultat des négociations. Vers le soir, Paskewitch fit reconnaître les fortifications établies sur le Topdagh, et se convainquit qu’il serait difficile à Erzeroum de résister, une fois qu’il se serait rendu maître de ces hauteurs : il résolut donc de les attaquer le lendemain, si la ville ne capitulait pas. Le Topdagh s’élève à l’est d’Erzeroum et domine la ville et la citadelle, dont il n’est éloigné que d’une faible portée de canon : les Turcs y avaient établi une batterie qui enfilait les routes de Kars et d’Akhaltzikhé, et qui était liée à la ville par une longue ligne de retranchemens. À neuf heures du matin, le prince Bekewitch annonça que le peuple s’était rassemblé, avait tenu conseil toute la nuit, et que, toutes les fois qu’une opinion pacifique avait été exprimée, la multitude s’était écriée dans un transport fanatique : « Nous ne déshonorerons pas notre religion. » Le matin, le prince Bekewitch avait décidé les anciens et le séraskier à faire annoncer à Paskewitch que les portes lui seraient ouvertes à quatre heures de l’après-midi. Paskewitch répondit que, si ce n’était pas fait à trois heures, il ferait donner l’assaut.

Depuis le matin, les batteries du Topdagh n’avaient pas cessé de tirer sur les avant-postes et les fourrageurs russes, sur lesquels les tirailleurs turcs, de leur côté, avaient dirigé constamment un feu de mousqueterie. À trois heures, il n’était pas arrivé de réponse, et Paskewitch, ayant appris que le séraskier attendait des renforts, fit attaquer les fortifications du Topdagh. Les Turcs, après une faible résistance, abandonnèrent la batterie, où ils laissèrent cinq canons, et se retirèrent dans la ville. Toutes les batteries de la place jouèrent alors sur les Russes ; mais on leur répondit du Topdagh, où l’on avait rapidement transporté plusieurs pièces de campagne qui mirent un grand désordre dans Erzeroum. Bientôt on vit sortir une députation qui venait en pompe apporter aux Russes les clés de la place. Les troupes y entrèrent aussitôt ; mais, lorsqu’elles voulurent prendre