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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/793

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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

accompagné d’une décharge de mousqueterie, se fit entendre du haut de la citadelle. Les montagnards se précipitèrent sur les Russes, qui, malgré leur petit nombre, se frayèrent un passage au milieu des masses ennemies, et allèrent prendre position au bord de la mer, où le reste du corps d’armée arriva plus tard. Le lendemain, Kokhanof fit attaquer la ville : le combat fut sanglant et dura toute la journée. On avait pratiqué des meurtrières dans les maisons, d’où les Tchetchenzes et les Koumouks faisaient un feu terrible, profitant même des trous que les boulets faisaient dans les murs. Malgré cette résistance acharnée, la victoire se déclara en faveur des Russes ; Khasi-Moullah s’enfuit dans la nuit, et le lendemain (30 mai 1831) Kokhanof se rendit à la citadelle à travers les ruines de Tarkou. Un grand nombre de maisons brûlaient encore, les rues étaient inondées de sang et jonchées de cadavres ; environ 1,500 montagnards avaient péri dans le combat.

La défaite de Khasi-Moullah ne lui avait pas fait perdre courage : peu de jours après, il tenta de s’emparer de la forteresse de Unesapnaya qui fut secourue à temps, et, dans le courant du mois de juin, les insurgés livrèrent deux nouveaux combats où ils furent encore défaits. Cependant l’insurrection se propageait dans tout le Tabasseran indépendant, au sud-ouest de Derbend. Cette province, située au nord du Daghestan inférieur, se divise en deux parties, dont l’une est complètement soumise aux Russes, tandis que l’autre avait jusqu’alors conservé son indépendance. L’ancien prince du Tabasseran avait été dépouillé de sa souveraineté quelques années auparavant et remplacé par Ibrahim, bey de Kartchag. Plus tard, le chef dépossédé, appelé Kirkler-Kouli-Bey, avait cherché à exciter des troubles et à recouvrer le pouvoir qu’il avait perdu. Mais les mesures prises par le général Grabbe, commandant militaire du Daghestan, avaient rendu ses efforts inutiles, même dans le Tabasseran indépendant ; et à la fin, désespérant de trouver un asile sûr dans les montagnes, il était venu se rendre au général russe et implorer la clémence de l’empereur. Toutefois ses tentatives avaient contribué à irriter les esprits, et Khasi-Moullah sut en profiter. Le bruit se répandit bientôt que Derbend allait être attaquée, et la chose devenait tous les jours plus vraisemblable. Plusieurs habitans de la ville, qui étaient au fond dévoués au faux prophète, l’attendaient avec impatience ; les enfans même, sautant à cloche-pied, chantaient des chansons tartares dont le refrain était : Khasi-Moullah gheledi ! Khasi-Moullah arrive ! Malgré cela, une grande partie des habitans, surtout les marchands riches et amis du repos, redoutaient l’approche du sectaire qu’ils appelaient,