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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

Moullah et toute son armée avaient disparu. Les Russes voulurent le poursuivre ; mais il était déjà loin dans la montagne. On trouva sur le chemin du sang nouvellement versé, puis dans le voisinage des débris de repas, des pains jetés çà et là, des bagages dispersés, des chariots brisés, des chevaux morts, et on reconnut dans le sable la trace des pas de l’ennemi fugitif. C’était tout ce qui était resté des nombreuses bandes de Khasi-Moullah. À quelque distance on rencontra les avant-postes du corps de Kokhanof devant lequel il s’était enfui. Ainsi se termina le siége de Derbend.

Pendant que les habitans de cette ville chauffaient leurs fourneaux avec les fascines et les échelles préparées par Khasi-Moullah, celui-ci, réfugié dans la montagne, célébrait au village de Kourek son mariage avec la fille de son ancien maître Mohammed-Moullah, et cette circonstance ne ralentissait pas son activité habituelle. Chaque jour, sous prétexte d’expliquer le koran, il prêchait la guerre contre les Russes, appelait les montagnards à l’indépendance et échauffait leur esprit inconstant et impressionnable. En même temps, l’adjudant-général Pankratief, commandant en chef de l’armée depuis le départ du comte Paskewitch, avait réuni près de Chamakhi un corps considérable, destiné à réprimer l’insurrection dans le Daghestan ; mais la politique vacillante de la Perse et le bruit, assez croyable alors, que les Persans pensaient à attaquer de nouveau la Russie, ne lui permirent pas d’abord d’éloigner ses soldats de la frontière. Au bout de quelque temps, on se convainquit des dispositions pacifiques du chah, et les troupes purent être envoyées dans le Daghestan où elles arrivèrent vers la fin de septembre, et se joignirent au corps de Kokhanof.

Pankratief, étant entré à Derbend, publia aussitôt, dans le style figuré de l’Orient, une proclamation qui fut répandue partout dans les montagnes. Là-dessus les anciens de plusieurs bourgs vinrent recevoir le pardon promis à ceux qui se soumettraient, et le repos et la sécurité se rétablirent peu à peu dans les environs de la ville. Le général russe, avant d’aller chercher l’ennemi, assura son flanc par une négociation avec Nouzal, khan des Avares, et sa mère Pakhou-Beg, lesquels s’engagèrent à entretenir des troupes sur leur frontière et à ne laisser entrer chez eux aucun fauteur de troubles. Alors Pankratief, instruit que les habitans du Tabasseran, excités par Khasi-Moullah, se tenaient prêts à jeter de grandes masses d’hommes sur le point où les Russes attaqueraient, et semblaient décidés à se défendre jusqu’à la dernière extrémité, prépara en silence une expédition décisive. Il partagea ses troupes en trois petits corps : deux se dirigèrent à droite