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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

Moullah en essaya de nouvelles au printemps de l’année 1832. Il revint dans la montagne où il trouva encore moyen de se faire un parti assez considérable. Pour mettre fin aux soulèvemens sans cesse renaissans des montagnards, l’empereur ordonna une campagne générale contre toutes les tribus qui avaient prêté secours à Khasi-Moullah. L’adjudant-général baron Rosen devait aller soumettre les Galgas en même temps que le général Weliaminof attaquerait les Karaboulaks. Les deux corps devaient se rejoindre dans le pays des Tchetchenzes, pour les punir de leur rébellion, et réduire ensuite les insurgés du Daghestan. Tout cela se fit promptement et heureusement. Les Tchetchenzes se soumirent de bonne grace ou cédèrent à la force ; ils donnèrent des otages, et payèrent l’amende qui leur fut imposée pour indemniser les montagnards fidèles aux Russes dont ils avaient pillé les villages. Le général Rosen ne trouva une grande résistance que près du bourg d’Hermentchouk. Les Tchetchenzes s’y étaient rassemblés au nombre de 3000 hommes, comptant sur sa forte position et sur la promesse que leur avait faite Khasi-Moullah de venir à leur secours avec un corps considérable. Les Russes, arrivés devant Hermentchouk, en emportèrent les retranchemens à la baïonnette. Il y eut alors une terrible mêlée dans les rues et les jardins du village ; les Tchetchenzes combattirent avec un acharnement sans exemple ; mais, ayant perdu un grand nombre d’hommes, ils finirent par se disperser dans les bois et dans les montagnes. Soixante d’entre eux, conduits par le Moullah-Ab-Dourrahman, l’un des principaux affidés de Khasi, se réfugièrent dans une maison qui fut aussitôt entourée et où ils ne pouvaient pas espérer d’être secourus. Quand on les somma de se rendre, il répondirent par des cantiques tirés du koran, que chantent les musulmans lorsqu’ils se croient perdus, et pratiquèrent, dans la maison, des trous d’où ils tirèrent sur les Russes. Quelques grenades, qu’on leur jeta et qui firent explosion parmi eux, ne ralentirent pas leur ardeur, et il fallut, pour en finir, mettre le feu à la maison. Onze hommes, presque suffoqués par la fumée, vinrent se rendre ; quelques autres se jetèrent en désespérés sur les baïonnettes russes ; le reste périt dans les flammes sans interrompre ses chants. Le Moullah-Ab-Dourrahman se trouva parmi ces derniers. Khasi-Moullah, à ce qu’on sut plus tard, se tenait, pendant le combat, dans la forêt voisine. Lorsqu’Hermentchouk fut emporté, ses compagnons se débandèrent. Quant à lui, il s’enfuit dans le Daghestan, décidé à se fortifier dans Himri où trois cents de ses partisans vinrent le joindre.