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ses nobles efforts, ne l’a souvent qu’approximative et suffisante. Beaucoup d’à peu près, çà et là des répétitions négligentes (délicieuse deux fois dans la même phrase, page 228), parfois de ces inadvertances triviales qu’il faut laisser à nos romanciers sans délicatesse (ainsi cette phrase, page 155, comme le plus grand imbécile qui eût jamais battu le pavé de Paris) : — tout cela ne saurait être entièrement racheté, dans un roman sans action, par des pages élevées et éloquentes, fussent-elles nombreuses.

Le roman du second volume, Steven, offre précisément cet intérêt d’action qui se faisait vainement attendre dans Simiane. L’auteur ne s’est pas proposé le contraste dans une intention littéraire et pour le but d’agrément, mais toujours d’après sa même vue morale. La compagnie, devant laquelle il a lu son premier roman, lui reproche d’avoir fait l’apothéose de l’égoïsme, et il tient à montrer, par un nouvel exemple, que le foyer domestique n’a pas moins son inspiration, sa flamme active, que son renoncement et son sacrifice. Le talent de romancier, qui se manifeste dans Steven, est très vif, et, à ne prendre les choses que par le dehors, on peut regretter, pour le succès de lecture, que ce roman n’ait pas précédé l’autre. La scène se passe dans le Hartz, vers 1714 ; le paysage est grandement décrit ; les personnages historiques, à demi mystérieux, y sont jetés tout d’abord à la Walter Scott et sans les longueurs. Je n’analyserai pas en détail ce qu’il faut plutôt engager à lire. Le jeune Steven de Travendahl, fils d’un général de Charles XII, qui a péri à Pultawa, s’est retiré dans ce pays de Hartz avec sa mère, avec sa sœur ; devenu le chef respecté des intrépides mineurs, il n’a, d’ailleurs, qu’une pensée : servir sa mère, lui obéir, consoler sa triste sœur Mina, qu’une langueur secrète dévore. On est au moment où Charles XII, délivré de prison, a quitté la Turquie ; le bruit de son retour le devance. Partout en Allemagne, on l’attend, on l’a cru voir passer dans chaque cavalier inconnu, les peuples prêts à saluer, comme toujours, l’homme du destin, les gouvernemens attentifs à saisir le conquérant déchaîné. Son neveu, le jeune duc de Holstein, et le vieux chancelier Mullern, qui précède de peu Charles XII, se sont donné rendez-vous dans le Hartz. Charles XII y arrive lui-même. Steven, Suédois de naissance et de cœur, fils d’un des braves de Pultawa, se trouve placé entre toutes ses affections et tous ses devoirs. L’action du roman, dans les deux tiers, ne mérite guère que des éloges. Charles XII peut sembler un peu arrangé après coup, sans doute, dans les projets de pacification et de liberté européenne que lui suppose l’auteur ; Steven peut sembler un peu avancé, lorsqu’il fait saluer à ses hôtes, dans la personne de ses mineurs, les premiers gentilshommes de l’Europe, et cette seule et immortelle noblesse du travail qu’il a l’honneur de commander. Mais ce ne sont là que des traits accessoires auxquels le lecteur prend garde à peine, tant l’ensemble va, marche, se presse, tant le drame ne vous laisse pas ; tout est bien jusqu’au moment où Steven se trouve face à face avec Charles XII. Mais ici, quand le roi, en hâte de partir, et dont le danger redouble à chaque minute, demande et commande à Steven des chevaux, et de lui rendre son compagnon de