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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/879

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REVUE. — CHRONIQUE.

des deux minorités, et entre autres de celle qui se compose de M. Kopp tout seul, lequel propose sérieusement de renvoyer le gouvernement français devant les tribunaux du canton de Thurgovie !

Cette question nous semble tout-à-fait épuisée. Tout a été dit, et bien longuement dit, de part et d’autre. L’état de Thurgovie, qui a une constitution dont l’article 25 refuse la nationalité suisse à tout individu qui n’aura pas fait acte de renonciation à sa nationalité antérieure ; l’état de Thurgovie soutient que M. Louis Bonaparte est citoyen thurgovien, lui qui n’a pas rempli la formalité prescrite par l’article 25. De son côté, la majorité des états représentés à la diète adopte cette opinion, ou propose de faire renoncer actuellement M. Louis Bonaparte à sa nationalité, ce qui est non-seulement reconnaître d’une manière implicite qu’il n’est pas encore citoyen helvétique, mais avouer le déni de justice dont la France se plaint depuis le commencement de ces fâcheux débats. En cet état de choses, le gouvernement français doit s’en tenir aux principes de la dépêche du 14 août, à M. de Montebello, principes qui reçoivent plus de force des débats mêmes de la diète helvétique. Cette dépêche, dont des copies ont été distribuées aux membres de la diète, a le grand mérite d’avoir résumé les discussions de la diète, avant même qu’elles n’aient eu lieu. On y a prévu et détruit d’avance les argumens des députés des différens états. « Vous représenterez de nouveau au vorort, dit le ministre, qu’il s’agit ici de savoir si la Suisse prétend, sous le manteau de l’hospitalité qu’elle exerce, recueillir dans son sein et encourager de sa protection les intrigues, les intentions hautement avouées, et qui ont pour objet de troubler le repos d’un état voisin. Est-il un homme de bonne foi qui puisse admettre que Louis Bonaparte soit naturalisé Suisse, et prétende, en même temps, régner sur la France ?… Ne serait-ce pas se jouer de toute vérité que de se dire tour à tour, selon l’occurrence, Suisse ou Français : Français, pour attenter au repos et au bonheur de la France ; Suisse, pour conserver l’asile où, après avoir échoué dans de coupables tentatives, on ourdit de nouvelles intrigues. » La question, ramenée à ce simple principe, s’éclaircira bientôt, sinon pour la Suisse, égarée par les déclamations des journaux français, du moins pour la France et pour l’Europe entière. Déjà toutes les puissances ont reconnu la justice de la demande du gouvernement français et appuyé sa réclamation, qui touche à la base même des principes des rapports internationaux. Cette démonstration n’ajoute rien, il est vrai, au droit de la France, qui est incontestable ; mais au moment où M. Louis Bonaparte s’adresse aux puissances étrangères, elle n’est pas sans quelque valeur. Le Journal des Débats a annoncé, en effet, il y a peu de jours, d’après une lettre de Constance, que M. Louis Bonaparte avait fait solliciter une audience de l’empereur de Russie et avait demandé à servir dans les armées de ce souverain qui lui avait refusé l’un et l’autre. D’autres journaux, toujours disposés à tout nier et à tout affirmer sans preuves, selon leurs vues du moment, ont opposé une dénégation formelle à cette lettre. Le fait n’en est pas moins vrai, et c’est M. de Krudener, ministre de Russie, qui s’est chargé de transmettre