Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/888

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
884
REVUE DES DEUX MONDES.

à s’en charger, sauf recours ultérieur de sa part contre le trésor de Madrid, dans le cas d’une négociation d’emprunt ou d’un traité de commerce. Mais lord Palmerston leur a fait déclarer qu’il était impossible d’accéder à leur proposition, et je n’ai pas appris que cette déplorable affaire soit sortie de ces derniers termes. Je vous laisse apprécier la moralité d’une combinaison politique qui, après tant d’autres ignominies, est arrivée à un pareil résultat.

Vous avez sans doute entendu dire, comme moi, que le général Espartero avait suspendu l’attaque d’Estella, par suite de ses dissentimens avec le ministère. Depuis on n’avait rien négligé pour le satisfaire ; on lui avait sacrifié des fonctionnaires éminens, on avait mis à sa disposition de nouvelles ressources, et on croyait avoir conjuré une hostilité redoutable. Avait-on pleinement réussi ? J’ai peine à me le persuader. Quoi qu’il en soit, Espartero n’en a pas moins commis la même faute que plusieurs de ses prédécesseurs ; il a fait de la politique au lieu de borner son ambition et de mettre toute sa gloire à bien faire la guerre. Il y aurait bien, si l’on voulait, quelque politique à faire au quartier-général de l’armée du nord ; mais ce n’est pas de celle qu’on y a faite jusqu’à présent. On a cherché à gouverner de là Madrid et la cour ; je crois qu’il vaudrait mieux chercher à agir sur Onate, sur la petite cour et l’état-major de l’armée du prétendant, et principalement sur ceux des chefs carlistes qui ne combattent le gouvernement de la reine que pour maintenir les antiques institutions des provinces basques et de la Navarre. Je crois, en un mot, qu’il serait temps de proposer une transaction basée sur le maintien des fueros aux quatre provinces dans le sein desquelles a éclaté la guerre civile, et qui en sont encore le plus ardent foyer. En repoussant toute autre transaction avec la révolte, le ministère d’Ofalia semblait admettre la nécessité de celle que j’invoque. Il l’a présentée comme désirable et possible dans la Gazette de Madrid, peu de jours avant sa chute. Mais j’ignore s’il la préparait, et je me demande s’il aurait compté pour l’accomplir sur la tentative de Munagorri, dont je n’espère pas grand’chose. Je crains bien que ce ne soit encore une année perdue pour la cause constitutionnelle. Elle ne l’a pas été pour le rétablissement de l’ordre et de quelque régularité dans l’administration ; mais pour le crédit, pour les finances, pour la guerre, on n’aura pas fait un seul pas vers le mieux, qui serait encore si loin du bien !

Le discours de lord Strangford sur nos différends avec le Mexique, dont je vous parlais dans ma dernière lettre, a été, pour certains journaux anglais, le signal d’un redoublement d’attaques au sujet du blocus. L’irritation a même gagné ceux qui rendent ordinairement plus de justice à la France et qui ne se sont pas fait un système de l’aigreur et de la méfiance, à propos de ses moindres mouvemens. Le ministère, provoqué par une adresse de l’association commerciale du sud, s’en est ému aussi, pour la forme, j’aime à le croire, et a demandé des explications tout-à-fait inutiles sur l’expédition de l’amiral Baudin. Je ne comprends rien aux déclamations des journaux anglais. La France exerce à l’égard du Mexique un droit absolu, qui n’est soumis au contrôle de personne. Elle n’a pas d’autorisation à demander aux négocians