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MUSICIENS FRANÇAIS.

II.
De L’École fantastique et de M. Berlioz.

Il y a dans l’art des époques critiques où tous les élémens se heurtent et se confondent, où deux puissances rivales, lasses de grandir isolées, se cherchent pour s’étreindre et se modifier dans une lutte corps à corps, au risque de succomber. Ces époques surviennent d’ordinaire après les temps de calme et de repos, lorsque les moissons du siècle sont faites et rentrées ; car le même enchaînement se retrouve partout : les lois fatales qui régissent l’humanité gouvernent aussi l’art. L’invasion arrive à son heure. Il faut que le barbare hideux féconde de son sang nouveau la muse lascive, étendue et pâmée sur ses coussins de pourpre. La lumière viendra peut-être un jour ; en attendant, le chaos se fait : c’est à ce prix que tout se régénère. Ainsi des deux écoles d’Italie et d’Allemagne. Quel spectacle magnifique pendant les cinquante années qui viennent de s’écouler ! quelle admirable succession de génies et de chefs-d’œuvre ! D’un côté, c’est Mozart, Cimarosa, Rossini ; de l’autre, encore Mozart, Beethoven et Weber ; ici le Mariage secret, les Noces de Figaro, Otello, Sémiramis ; là Don Juan, Fidelio, Eurianthe, Freyschütz, les Symphonies. On dirait deux grands fleuves majestueux