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REVUE. — CHRONIQUE.

core de nombreux momens à donner aux idées générales qu’elle concevait avec beaucoup d’élévation. La mort de Mme la duchesse de Broglie laisse surtout un grand vide parmi les amis politiques de M. le duc de Broglie. Son salon était leur point de réunion habituelle ; c’est là qu’ils trouvaient souvent les conseils de l’esprit vif et éclairé dont Mme de Broglie avait hérité de sa mère, et qui leur manqueront désormais.

Le général Bazaine, officier français au service de Russie, vient de mourir à Paris. À l’époque où M. de Caulaincourt se trouvait ambassadeur à Saint-Pétersbourg, l’empereur Alexandre demanda à Napoléon de lui envoyer quelques élèves de l’école polytechnique, pour former des ingénieurs. Napoléon lui envoya les quatre premiers élèves de l’école : M. Bazaine était de ce nombre. Lors de la guerre de 1812, les quatre jeunes officiers, qui avaient déjà parcouru toute la Russie et rendu de grands services, déclarèrent à leurs généraux qu’ils ne pouvaient servir contre la France, et sollicitèrent leur congé. Le cas était embarrassant. C’était envoyer au quartier-général de Napoléon des officiers qui pouvaient amener l’armée française au cœur de la Russie. Alexandre, pour les protéger contre les officiers russes qui murmuraient, donna ordre de les envoyer dans l’intérieur de l’empire. Un excès de zèle subalterne les fit envoyer à Iskurtz, en Sibérie. C’est là que les trouva le capitaine de vaisseau russe Krusenstern, qui revenait de faire le tour du monde. Passant devant une cabane, il entendit parler français et demanda qui se trouvait dans cette habitation. On lui nomma les quatre Français, qui furent bientôt rappelés, et qu’on dédommagea de la méprise dont ils avaient été victimes. Le général Bazaine a été long-temps à la tête de travaux importans, ainsi que ses trois compagnons d’exil, les généraux Bestrem, Fabre et Potier, et tous, ils ont rendu d’immenses services à l’empire russe. On voit que la Russie aurait mauvaise grace à se plaindre de la France, qui, depuis Pierre-le-Grand, n’a cessé de lui fournir des hommes de mérite et de la guider dans le chemin de la civilisation.

C’est dans quelques jours que se réuniront les électeurs du premier arrondissement, pour procéder à l’élection d’un député, c’est-à-dire à la réélection de l’honorable général Jacqueminot. Jamais question plus facile à résoudre ne fut offerte au bon sens et à l’équité des électeurs. Le soldat qui a servi son pays depuis trente ans, qui a versé son sang sur les champs de bataille de l’Allemagne et de la France, a-t-il mérité les épaulettes de lieutenant-général ? est-il un parvenu militaire, le colonel de Waterloo dont la bravoure était célèbre dans une armée de braves ? Il est des services qui devraient désarmer les rancunes et les jalousies les plus invétérées. À ceux qui lui reprochent un avancement si légitime, le général Jacqueminot pourrait répondre, comme le maréchal Lefebvre fit un jour à un ami de collége, qui s’extasiait sur ses prospérités d’un ton d’admiration envieuse : « Mets-toi au milieu de la cour de mon hôtel, lui dit le duc de Dantzick, je vais faire tirer sur toi de tous côtés, et si tu n’es pas atteint, je te donne tout ce qui fait ton envie,