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REVUE. — CHRONIQUE.

archéologique de M. Guérard, pour obtenir la solution de problèmes aussi compliqués et aussi arides. La plus grande abondance, dit l’auteur, et, par conséquent, la dépréciation de l’or et de l’argent, au commencement du IXe siècle, est un fait hors de doute. Les Franks, au dire d’Éginhard, rapportèrent de leurs guerres contre les Huns et les Avares, terminées en 790, tant d’or et tant d’argent, que, de pauvres qu’ils avaient été jusque-là, ils se trouvèrent regorger de richesses. Ainsi les dépouilles, accumulées pendant plusieurs siècles par les spoliateurs des nations, étant tombées au pouvoir des Franks, rendirent chez eux les métaux précieux plus abondans et occasionnèrent, dans leur empire, un renchérissement subit des denrées.

M. Guérard consigne quelques-uns des prix avant l’an 800. Un esclave, ayant une charge dans la terre ou dans la maison du maître, est fixé par la loi salique à 25 sous, c’est-à-dire 2,448 fr. en valeur actuelle ; d’après la loi des Ripuaires, un bon bœuf coûte 2 sous, c’est-à-dire 199 fr. ; un bon cheval, 6 sous ou 597 fr.. Dans la loi des Visigoths, l’opération de la cataracte, quand elle réussit, doit être payée au médecin 5 sous ou 498 fr. ; la pension annuelle d’un enfant est de 1 sou, c’est-à-dire 100 fr. Dans le VIe siècle, un esclave ordinaire est évalué 12 sous ou 1,194 fr., tandis qu’un ecclésiastique, mis en vente, est acheté 20 sous, c’est-à-dire 1991 fr., par l’évêque Ætheris. Après l’an 800, la journée de travail vaut 2 fr. 45 cent.

Le mémoire si curieux et si neuf de M. Guérard mérite de fixer l’attention du monde savant ; les preuves en sont toujours nettement exposées, les déductions tirées avec rigueur, et l’auteur sait parfaitement se garder de toutes les vaines subtilités qu’on trouve d’ordinaire dans les livres d’archéologie. Ce travail sur le système monétaire des Franks a sa place marquée parmi les meilleures dissertations destinées aux mémoires de l’Académie des Inscriptions, et tous ceux qui s’occupent de l’étude de nos origines nationales seront forcés d’avoir recours à l’excellent opuscule de M. Guérard.



LETTRES SUR LA SITUATION EXTÉRIEURE.
vi.
Monsieur,

C’est encore de Méhémet-Ali, de ses prétentions et de l’inquiétude qu’elles inspirent, que je vous parlerai dans cette lettre. Un incident, je n’ose pas dire inattendu, mais au moins nouveau, vient de remettre à l’ordre du jour une question qu’on voudrait oublier et qui se représente à chaque instant sous une forme ou sous une autre. Il en sera long-temps ainsi, jusqu’à ce que la force des choses ou la volonté des hommes aient enfin donné satisfaction à une des plus grandes nécessités politiques de ce temps, la sécurité du pacha d’Égypte. Je me sers ici d’un mot inusité, pour caractériser la nature