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couvre tout le balcon et le ferme hermétiquement. De semblables balcons s’étendent le long de toute la rue du Cassaro, qu’ils couvrent de vastes ombres, et forment ainsi une cité aérienne qui n’a rien de commun avec celle qui est au-dessous. C’est, en effet, une ville qui vit au-dessus de l’autre, et, en réalité, une ville céleste ; car tous ces balcons appartiennent à des couvens de femmes et d’hommes, souvent très éloignés du palais sur lequel ils se trouvent et avec lequel ils communiquent cependant. Voici ce qui a donné lieu à la fondation de cette république ascétique, placée là presque à moitié du chemin du ciel.

Sainte Rosalie est la patronne de Palerme. Pour bien savoir ce qu’est sainte Rosalie à Palerme, il faut monter sur le Pellegrino et jeter un coup d’œil sur le budget municipal de Palerme. Dans ce budget, l’apologie de la sainte est courte, mais elle est concluante. Le chapitre des frais annuels de sa fête y est porté à 14,460 onces. C’est à peu près le quart des dépenses qui se font, à cette occasion, dans la ville. On aura une idée de l’importance de cette fête quand on saura que les plus grosses dépenses de la ville sont au-dessous de celle-ci ; car la subvention du théâtre ne compte que pour 13,500 onces, et l’entretien des rues pour 10,800. Le sanctuaire de Sainte-Rosalie est sur le mont Pellegrino, cette immense montagne où l’on a dépensé des sommes immenses pour faire, en partie sur de hautes arcades, une route carrossable, ou rotabile, comme on dit en Sicile, afin de pouvoir monter en procession jusqu’à la grotte de la patronne de Palerme, qui se trouve à 1,474 pieds anglais au-dessus du niveau de la mer. Cette grotte est le lieu où se retira cette jeune et belle sainte, quand elle s’échappa de la maison de son père, pour fuir le fils du roi Roger, à qui elle était fiancée, et pour se consacrer à Dieu. C’était en 1159. Elle vécut là quatorze ans, dans le seul commerce des anges. À sa mort, ses dépouilles ne se trouvèrent pas ; on ne les découvrit qu’en 1624, quand la peste ravageait Palerme. Dès que ses ossemens eurent été portés dans la ville, la peste cessa. La reconnaissance du peuple lui a élevé un magnifique tombeau.

La grotte et l’église de Sainte-Rosalie, ainsi que les vêtemens d’or massif de la statue de la sainte, ont été souvent décrits. Sa fête, qui a lieu au commencement du mois de juillet, attire beaucoup d’étrangers à Palerme ; elle consiste surtout dans la procession de la statue d’argent de la sainte sur un char de quatre-vingts pieds de hauteur et de quarante pieds de longueur, de forme antique, et traîné par un grand nombre de chevaux, de bœufs et de mules cachés sous