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être ses arrière-pensées pour l’avenir, ne réclama jamais de son parlement autre chose qu’une simple tolérance, et sa fameuse déclaration en faveur de la liberté de conscience, déclaration qui fut la cause immédiate de sa chute, proclamait les principes mêmes qui forment aujourd’hui comme le droit public de l’Europe, droit précieux auquel la grande mesure de l’émancipation a fini par rallier l’Angleterre elle-même.

Mais l’association des intérêts protestans et des intérêts aristocratiques était alors si intime, le sort de la royauté se trouvait tellement lié à celui de l’épiscopat, dont elle était le chef suprême, qu’un vœu de tolérance émanant d’elle devenait une contradiction flagrante avec sa propre nature. Aussi, quelle que fût l’influence de la couronne, et celle-ci était grande au sein du parti tory, même aux temps les plus difficiles de Jacques II, cette influence rencontra-t-elle d’insurmontables obstacles à tous projets d’adoucissement aux lois pénales.

M. Hallam a fait remarquer avec une grande justesse que ce qui caractérise surtout le torysme, c’est la subordination des intérêts monarchiques aux intérêts de l’église établie, et une disposition constante à faire de ceux-ci la seule règle de son action politique. Cette tendance de l’opinion la plus favorable à la prérogative de la couronne put seule déterminer le concours des lords à la tentative du prince d’Orange, et l’expulsion des Stuarts consomma le triomphe d’une doctrine désormais politique autant que religieuse.

Il n’y eut pas, sous ces doux règnes, une crise parlementaire qui n’amenât un redoublement d’oppression contre les catholiques, surtout contre cette Irlande, terre de prédilection pour la rigueur divine, à laquelle la Providence, en compensation de toutes les misères supportées à la fois, doit sans doute d’éclatantes destinées, puisqu’il n’est pas de seconde vie pour les peuples.

Durant cette lutte acharnée contre une royauté catholique, la liberté politique étendait chaque jour ses conquêtes, et la constitution moderne de l’Angleterre s’élevait sur la double base de la souveraineté parlementaire et de la suprématie protestante,

La liberté individuelle recevait la solennelle garantie de l’habeas corpus. Les communes consacraient leur droit d’impeachment contre les ministres par le procès de lord Danby, pendant qu’elles établissaient leur initiative absolue en matière d’impôt, et la composition de cette chambre devenait fixe et régulière, d’arbitraire et incertaine qu’elle avait été jusqu’alors.

Si depuis long-temps, en effet, le nombre des députés des comtés