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EXPÉDITION AU SPITZBERG.

mités, couvertes de neige, s’effacent dans le lointain, à l’accent de joie et de vérité avec lequel il me disait : « Oh ! c’est un joli pays que notre vallon de Sandtorv ! » je voyais qu’il n’aurait voulu changer son sort contre nulle autre destinée au monde.

En revenant vers la maison du marchand, j’entendis des chants norwégiens, des éclats de voix. La plupart de mes compagnons de voyage étaient rassemblés chez lui. La table était dressée, la carafe de punch d’un côté, le flacon de vin de Porto de l’autre, la théière au milieu. Le maître de la maison s’en allait tour à tour auprès de chacun de ses hôtes, l’invitant à répondre à son toast et à boire. Quand il me vit entrer, il accourut aussitôt à ma rencontre et me souhaita la bienvenue en me serrant la main avec la cordialité norwégienne ; puis il m’apporta un verre, et d’abord il fallut boire à ma santé, à la sienne, à celle de sa famille et à celle de toutes les personnes qui se trouvaient là. Cette première tournée de toasts était à peine finie qu’on en recommença une autre, et à chaque nouvelle série de complimens bachiques c’étaient de nouvelles chansons et de nouveaux cris de joie. Pendant ce temps, les femmes, assises à l’écart, regardaient silencieusement cette scène bruyante, ne se levant que pour venir elles-mêmes verser du punch dans nos verres et se rasseyant aussitôt. Mais il y avait parmi elles une jeune fille au visage pâle, au regard languissant, qui soulevait parfois timidement vers nous sa blonde tête, et dont l’ame souffrante semblait, comme Mignon, appeler, au milieu de cette froide contrée, la terre où les citrons fleurissent.


X. Marmier.


Hammerfest, 20 août 1838.