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lutte devint imminente entre les hommes des deux bords de la Loire. On se souleva de toutes parts dans le Poitou, l’Aunis, la Saintonge, le Limousin et la Gascogne ; les chroniqueurs et les troubadours n’eurent qu’une voix pour maudire la domination étrangère. Il faut remarquer ici que, dès le XIIe siècle, il y avait déjà rapprochement entre les populations du midi et le roi de France. Louis VII était pour ces populations un roi presque national. « Réjouissez-vous, Aquitaine et Poitou, s’écriait un chroniqueur contemporain au moment où la guerre éclata entre les Plantagenets et les Capétiens, le sceptre du roi du nord s’éloigne de vous, et déjà le roi du midi s’avance avec son armée, tenant en main son arc et ses flèches. » Cependant les hommes d’outre-Loire conservèrent long-temps l’espoir de sauver leur indépendance. On les voyait prendre parti tantôt pour le roi d’Angleterre, tantôt pour le roi de France ; ils cherchaient à les affaiblir l’un par l’autre et croyaient ainsi échapper à leur domination. Enfin le roi de France l’emporta. Philippe-Auguste, il est vrai, rencontra des obstacles insurmontables, lorsqu’il tenta la conquête des provinces méridionales de la France : mais déjà, au commencement du XIIIe siècle, le mélange s’opérait entre les populations des deux bords de la Loire, et l’on peut dire que, dès le règne de saint Louis, la conquête du midi était assurée aux rois de France.

Toutefois l’esprit d’indépendance qui avait animé ces provinces pendant tant de siècles, ne devait pas disparaître subitement. Plus d’une fois il se manifesta pendant la grande lutte de la France et de l’Angleterre. C’était par une dernière protestation contre la domination du roi de France, et non par sympathie pour l’Angleterre, que les hommes du midi prêtèrent secours à Henri III, à Edouard III et au Prince Noir.

Enfin, au milieu du XVe siècle, les Anglais furent chassés du royaume. Le besoin d’une défense commune rapprocha bientôt les provinces, et la France, unie dans toutes ses parties, forma une masse compacte et homogène. À la fin du règne de Charles VII, toutes les provinces indistinctement reçurent du roi, sans manifester d’opposition, des gouverneurs, des prévôts, des baillis et des collecteurs d’impôts. Si parfois une sédition éclate encore sur quelque point de la France, on ne voit plus les villes et les provinces réclamer les droits d’une antique nationalité. La levée des tailles, quand elles sont oppressives, devient pour les localités, comme pour Paris, centre de la monarchie, la cause ordinaire de ces soulèvemens. La grande révolte de La Rochelle, sous François Ier, était une énergique protestation contre l’impôt de la gabelle, qui était devenu intolérable. Dès-lors les provinces ont perdu le caractère qui leur était propre, et leur histoire se confond avec celle de la monarchie. Toutefois, la grande révolution du XVIe siècle, la réforme religieuse, arrêta pour un instant le travail de l’unité de la France, et les doctrines de Calvin, en se concentrant dans nos provinces du midi de la Loire, semblèrent réveiller encore une fois dans l’Aunis et la Saintonge le vieil esprit d’opposition et les souvenirs de l’ancienne indépendance.