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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

moins encore jusqu’au salaire du clergé catholique, conséquence naturelle de l’émancipation, seul moyen d’en obtenir de bons effets. Provocateur de la réforme parlementaire, il la rend à peu près nulle dans ses résultats effectifs en repoussant le vote secret, et conserve ainsi à l’influence tory des chances qui déjà menacent de le renverser lui-même ; parti de modération et de lumières, qui repose sur un fonds de nobles traditions, mais n’a pas de racines profondes dans le pays, et semble destiné à s’effacer graduellement pour laisser en présence les deux seules forces vraiment vivantes de l’Angleterre.

L’opinion conservatrice et l’opinion radicale, l’une modifiée par l’expérience et l’accession de l’élément whig, l’autre subissant les influences économiques et bourgeoises à mesure qu’elles se développeront, tel apparaît à qui le contemple avec un entier dégagement l’avenir politique de la Grande-Bretagne. Plus tard nous essaierons de justifier ces prévisions ; mais constatons d’abord la situation présente en rappelant les faits de ces quinze dernières années. À cet égard nous n’aurons rien de nouveau à révéler à qui nous lit ; mais peut-être les évènemens se présenteront-ils mieux maintenant que l’horizon est découvert, et que nous avons demandé aux mœurs le secret de faits inexplicables sans elles.

La paix générale remit l’opinion publique, dans le Royaume-Uni, à peu près au point où elle se trouvait avant la guerre contre la révolution française. Alors fut repris, presque dans les mêmes termes, le débat commencé par la grande génération parlementaire qui n’était plus, et l’opposition réclama de nouveau, d’une part, le retrait des sermens et incapacités qui excluaient les catholiques du parlement et les dissidens des corporations municipales ; de l’autre, une réforme qui mît un frein à la corruption électorale en transférant la franchise des petits bourgs aux villes considérables.

En France, où tout se fait à la fois, où les plus grands changemens sortent simultanément d’une impulsion générale, on comprend à grand’peine cette impassibilité qui pose ainsi les questions l’une après l’autre, les remue pendant des années sans avancer notablement leur solution, jusqu’à ce qu’un évènement imprévu vienne enfin les résoudre par des nécessités devant lesquelles se courbent les théories. Ainsi furent discutées et accomplies l’émancipation et la réforme, ainsi sont débattues depuis six années le ballot et la fameuse clause d’appropriation, qui, leur heure venue, sortiront moins également des raisons déduites à Saint-Étienne que de l’autorité des faits.

Pendant que l’Angleterre industrielle entrait dans des voies toutes