Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/604

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
600
REVUE DES DEUX MONDES.

piter et de Jéhovah ? La pente ne pouvait plus être évitée. Écoutez là-dessus le précurseur immédiat du docteur Strauss, je veux dire le professeur Vatke dans sa Théologie biblique ! Si vous acceptez sa doctrine, Jéhovah, long-temps confondu avec Baal dans l’esprit du peuple, après avoir langui obscurément et peut-être sans nom dans une longue enfance, n’aurait achevé de se développer qu’à Babylone ; là, il serait devenu je ne sais quel mélange de l’Hercule de Tyr, du Chronos des Syriens, et du culte du soleil, en sorte que sa grandeur lui serait venue dans l’exil. Son nom même ne serait entré dans les rites religieux que vers le temps de David ; l’un le fait sortir de Chaldée, l’autre d’Égypte. Sur le même principe, on croit reconnaître les autres parties de la tradition que le mosaïsme a empruntée des nations étrangères. Vers le temps de sa captivité, le peuple juif aurait pris aux Babyloniens les fictions de la tour de Babel, des patriarches, du débrouillement du chaos par les Élohim, à la religion des Persans les images de Satan, du paradis, de la résurrection des morts, du jugement dernier ; et les Hébreux auraient ainsi dérobé une seconde fois les vases sacrés de leurs hôtes. Au reste, Moïse et Jéhovah détruits, il était naturel que Samuel et David fussent dépouillés à leur tour. « Cette seconde opération, dit un théologien de Berlin, s’appuie sur la première. » Ni l’un ni l’autre ne sont plus les réformateurs de la théocratie, laquelle ne s’est formée que long-temps après eux. Le génie religieux manquait surtout à David. Son culte grossier et presque sauvage n’était pas fort éloigné du fétichisme. En effet, le tabernacle n’est plus qu’une simple caisse d’acacia ; et, au lieu du saint des saints, il renfermait une pierre[1]. Comment, direz-vous, accorder l’inspiration des psaumes[2] avec une aussi grossière idolâtrie ? L’accord se fait en niant qu’aucun des psaumes, sous leur forme actuelle, soit l’œuvre de David ; le prophète-roi ne conserverait plus ainsi que la triste gloire d’avoir été le fondateur d’un despotisme privé du concours du sacerdoce ; car les promesses faites à sa maison, dans le livre de Samuel et ailleurs, n’auraient été forgées que d’après l’évènement, ex eventu. Dans cette

  1. De Vatke, Théologie biblique, voyez pages 334, 317, 521, 553, etc.
  2. M. de Wette avait déjà dit dans l’introduction de ses Commentaires sur les Psaumes, pag. 13 : « L’authenticité de tous les psaumes de David est devenue pour moi problématique. La plupart de ceux qui sont attribués à David sont des prières ou des plaintes, et ceux-là ont, il est vrai, peu de valeur poétique. » M. Ewald admet trois époques principales dans le recueil des psaumes : — la première comprend jusqu’au huitième siècle avant le Christ ; — la seconde s’étend depuis David jusqu’à la fin de l’exil ; — la troisième comprend les chants qui ont suivi la captivité.