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LA PUCELLE DE VOLTAIRE.

a-t-il un qui ne soit pas chanté, préconisé, donné en exemple dans la Pucelle ? Il y en a un seul, je me trompe, et c’est l’adultère ; mais c’est qu’il est impossible, car personne ne s’y marie !

Et lorsque le poète est sous le joug de cet esprit de débauche et de brutalité, lorsqu’il est inspiré par je ne sais quel souffle qui semble lui venir de l’enfer, non de cet enfer terrible et vengeur qui faisait trembler les ames du moyen-âge devant l’horreur des peines et la difficulté d’être innocent, mais d’un enfer cynique et honteux, tel que le compose l’assemblage des vices qui croupissent au sein des vieilles sociétés, lorsqu’il est livré à cette ivresse du mal, quelles étranges fantaisies, grand Dieu ! quels honteux égaremens ! Que dirai-je ? Il y a des différences qui séparent l’homme de la brute, il y a des signes que Dieu a donnés à l’homme pour le distinguer du bétail, des signes qui font sa dignité : Voltaire abat ces impérissables barrières mises entre l’homme et l’animal ; il mêle, il confond, il dégrade l’humanité, mais alors aussi (Dieu est juste !) il perd son génie en punition de sa brutalité.

Je sais que l’antiquité a aussi métamorphosé l’homme ; mais quelle grace dans ces antiques fictions ? Comme la poésie s’emploie à les embellir au lieu de les dégrader ! Quel art pour éviter l’image, non de la volupté, mais de l’indécence ! Sous le taureau qui entraîne Europe, je reconnais le dieu tout-puissant qui, d’un signe de sa tête, fait trembler les cieux ; je le reconnais dans cet air de beauté et de jeunesse, dans ce port gracieux et doux, dans ce poitrail caressé sans terreur par Europe, dans ces cornes entrelacées de guirlandes de fleurs.

Modo pectora præbet
Virgineâ plaudenda manu, modo cornua sertis
Impedienda novis
.


Alors mon imagination se laisse aller aux attraits de la fiction, comme Europe elle-même au charme inconnu qui l’attire.

Ausa est quoque regia virgo
Nescia quem premeret tergo considere tauri
.

Que me parlez-vous encore des égaremens de la Vénus antique ? La poésie a tout couvert de son voile enchanté. Hélas ! après ces brillans et gracieux souvenirs, puis-je encore parler des métamorphoses des héros de Voltaire ? Quel grotesque effronté ! quel honteux cynisme ! Il a, comme Ovide, un hermaphrodite ; mais, tour à tour homme et femme, son hermaphrodite est, sous sa double forme, l’image de la laideur. Qu’est devenue cette charmante fiction d’Ovide