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M. de Fontanes, en vue des générations survenantes, tendait à faire entrer dans l’université l’esprit moral, religieux, conservateur, et la plupart de ses choix furent en ce sens. Il proposa ainsi M. de Bonald à l’empereur comme conseiller à vie, et, durant plus d’un an, il eut à défendre la nomination devant l’empereur impatient, et presque contre M. de Bonald lui-même qui ne bougeait de Milhaud. Il eut moins de peine à faire agréer l’excellent M. Émery de Saint-Sulpice. Il fit nommer conseiller encore le P.  Ballan oratorien, son ancien professeur de rhétorique ; M. de Sèze, frère du défenseur de Louis XVI, fut recteur d’académie à Bordeaux. Ces noms en disent assez sur l’esprit des choix. Ceux de M. de Fontanes n’étaient pas d’ailleurs exclusifs ; sa bienveillance, par instans quasi naïve, les

    sition au ministre de l’intérieur. M. Cretet avait répondu que la demande de M. Halma ne pouvait être accueillie, par la raison que ce n’était pas au gouvernement à intervenir dans une semblable entreprise ; qu’il fallait la laisser à la disposition des gens de lettres, et qu’il convenait de réserver les encouragemens pour des objets d’un plus vaste intérêt. Informé de cette réponse, l’empereur prend feu, et dicte la note secrète que voici :

    « Je n’approuve pas les principes énoncés dans la note du ministre de l’intérieur. Ils étaient vrais il y a vingt ans, ils le seront dans soixante ; mais ils ne le sont pas aujourd’hui. Velly est le seul auteur un peu détaillé qui ait écrit sur l’histoire de France ; l’Abrégé chronologique du président Hénault est un bon livre classique : il est très utile de les continuer l’un et l’autre. Velly finit à Henri IV, et les autres historiens ne vont pas au-delà de Louis XIV. Il est de la plus grande importance de s’assurer de l’esprit dans lequel écriront les continuateurs. La jeunesse ne peut bien juger les faits que d’après la manière dont ils lui seront présentés. La tromper en lui retraçant des souvenirs, c’est lui préparer des erreurs pour l’avenir. J’ai chargé le ministre de la police de veiller à la continuation de Millot, et je désire que les deux ministres se concertent pour faire continuer Velly et le président Hénault. Il faut que ce travail soit confié non-seulement à des auteurs d’un vrai talent, mais encore à des hommes attachés, qui présentent les faits sous leur véritable point de vue, et qui préparent une instruction saine, en prenant ces historiens au moment où ils s’arrêtent et en conduisant l’histoire jusqu’en l’an VIII.

    « Je suis bien loin de compter la dépense pour quelque chose. Il est même dans mon intention que le ministre fasse comprendre qu’il n’est aucun travail qui puisse mériter davantage ma protection.

    « Il faut faire sentir à chaque ligne l’influence de la cour de Rome, des billets de confession, de la révocation de l’édit de Nantes, du ridicule mariage de Louis XIV avec Mme de Maintenon, etc. Il faut que la faiblesse qui a précipité les Valois du trône, et celle des Bourbons, qui ont laissé échapper de leurs mains les rênes du gouvernement, excitent les mêmes sentimens.

    « On doit être juste envers Henri IV, Louis XIII, Louis XIV et Louis XV, mais sans être adulateur. On doit peindre les massacres de septembre et les horreurs de la révolution du même pinceau que l’inquisition et les massacres des seize. Il faut avoir soin d’éviter toute réaction en parlant de la révolution. Aucun homme ne pouvait s’y opposer. Le blâme n’appartient ni à ceux qui ont péri, ni à ceux qui ont survécu. Il n’était pas de force individuelle capable de changer les élémens et de prévenir les évènemens qui naissaient de la nature des choses et des circonstances.

    « Il faut faire remarquer le désordre perpétuel des finances, le chaos des assemblées provinciales, les prétentions des parlemens, le défaut de règle et de ressorts dans l’administra-