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lations sur sa vie publique ; et quand l’attitude calme de M. Dupin a forcé ses ennemis à révéler enfin ces grands mystères, ils n’ont trouvé que de pitoyables accusations sans fondement, et si peu spécieuses, que, dans la coalition même, on n’a pas daigné les relever. Le grand crime de M. Dupin est de n’avoir pas voulu faire partie de cette coalition, formée dans un but qui n’a jamais été le but de M. Dupin, celui d’arriver au ministère. La coalition voulait absolument que M. Dupin s’expliquât avec elle. — Êtes-vous pour nous ou contre nous ? disait-elle ; quels sont vos sentimens politiques, vos opinions ? — À quoi M. Dupin aurait pu répondre que la coalition avait là d’étranges prétentions, elle qui n’a pu se former qu’en faisant taire tous les principes, et qu’en suspendant, en quelque sorte, les opinions politiques de ceux qui la composent. Les menaces et les exhortations qu’on a adressées à M. Dupin, de tous les rangs coalisés, ont quelque chose de curieux et d’instructif pour ceux qui observent impartialement. Les coalisés du centre gauche se plaisent à énumérer tout ce que M. Dupin a fait pour le maintien des principes de cette partie de la chambre ; ils le rappellent au milieu d’eux comme un des leurs, oubliant qu’eux-mêmes ils ont déserté la place où ils siégeaient pour aller s’entendre avec les doctrinaires et l’extrême gauche sur les moyens d’attaquer le gouvernement, et qu’en venant à eux, M. Dupin les trouverait en conférence avec les hommes qu’il a combattus si courageusement depuis huit ans. L’oppositiont du centre gauche ne refuse pas toute justice à M. Dupin. Elle reconnaît l’impartialité dont il a constamment fait preuve dans ses difficiles fonctions, l’énergie avec laquelle il a toujours défendu les prérogatives de la chambre, son zèle infatigable, l’autorité qu’il a su prendre dans l’intérêt même de l’assemblée. Elle avoue que M. Dupin possède toutes les qualités d’un président, elle parle de lui avec estime ; mais elle lui déclare en même temps que, s’il ne marche pas, dès à présent, et ouvertement, avec l’opposition, elle ne lui donnera pas ses voix. Ainsi M. Dupin, qui a été sept ans, de l’aveu même du centre gauche, un excellent président de la chambre, n’aura pas les suffrages de l’opposition du centre gauche, parce qu’il se refuse à déclarer qu’il votera dans toutes les questions avec elle. M. Dupin a beau présider à la satisfaction de la chambre et de l’opposition du centre gauche elle-même, il sera repoussé par ce parti, car c’est un coalisé de plus qu’il lui faut sur le fauteuil, et non pas un président. On conviendra que, pour des gens qui parlent toujours de l’indépendance des ministres, c’est faire bien bon marché de l’indépendance des autres fonctionnaires.

Le parti doctrinaire ne reconnaît pas l’impartialité de M. Dupin. Selon M. Duvergier de Hauranne et ses amis, qui tiennent la plume et s’encensent mutuellement dans le Journal Général, M. Dupin remplit très mal ses devoirs de président. Les doctrinaires l’accusent de n’être ni calme, ni impartial, ni étranger aux luttes de parti, et de mettre son pouvoir au service de ses opinions et de ses goûts personnels. Enfin, M. Dupin n’est nullement le président qui