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l’est en Belgique, qu’on lui laissera le temps d’avancer beaucoup sa tâche, sinon de l’achever tout-à-fait. Dans notre pays, l’influence d’un directeur-général des ponts-et-chaussées, même quand c’est un homme d’autant de capacité et de lumières que l’honorable député de la Manche, actuellement titulaire de ces fonctions, est insuffisante à surmonter bien des obstacles qui naissent chaque jour sous ses pas. Il faut, au-dessus de lui et pour le soutenir, une autorité plus imposante, telle qu’il ne s’en forme aujourd’hui qu’à la tribune. Mais les puissances de cet ordre sont soumises à toutes les variations politiques et ne répondraient pas d’un avenir de six mois. Trouvez une grande influence parlementaire qui veuille se séquestrer de tous les partis, se sevrer des discussions brillantes et faire beaucoup de bien, modestement enfermée pendant longues années dans la haute surveillance des chemins de fer. Les passions l’y laisseraient peut-être puissante et tranquille, parce qu’elles sont enchantées de tout ce qui leur laisse libre le champ de la politique. Seulement, connaissez-vous un homme considérable qui veuille de la tranquillité à ce prix, et qui ne préfère à une gloire utile, lentement acquise, la petite guerre d’intrigues de la salle des conférences ? Cela nous fait souvenir du vœu de quelques bonnes ames qui souhaitaient à M. Guizot de faire rétablir pour lui, à part du ministère, la grande maîtrise de l’Université, et de s’y retirer, comme un autre Fontanes quasi-inamovible, sans plus se mêler jamais aux affaires générales du pays.

En attendant des jours meilleurs, on sera bien forcé, nons le croyons, de revenir aux compagnies ; mais, d’après ce qui a été dit précédemment, le système suivant lequel on emploiera leurs forces ne peut être aussi simple qu’en Amérique et en Angleterre. Leur isolement ne leur a procuré qu’une liberté funeste ; libres comme le voulait la doctrine trop absolue du laissez faire ! elles ont eu un grand malheur, dès leur naissance, c’est qu’elles n’ont pu faire un seul mouvement, par la raison que la vie leur manquait. Cela est vrai, du moins, des grandes compagnies telles que celles d’Orléans et du Hâvre ; nous n’osons en nommer d’autres de cette catégorie élevée, qui font plus de bruit, se donnent l’air d’exister et pourraient se fâcher de nos indiscrétions.

L’idée de faire concourir l’état au développement des grandes compagnies par une alliance intime avec elles, s’accrédite de jour en jour, et l’on condamne la malheureuse combinaison qui aurait consisté à partager entre elles et lui fraternellement toutes les grandes lignes. Les faits démontrent déjà que la part des compagnies serait demeurée stérile, et il y a lieu de craindre que celle de l’état ne fût