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LES CHEMINS DE FER, L’ÉTAT, LES COMPAGNIES.

devenue ruineuse, dans l’organisation présente des travaux publics en France, qu’il est si difficile de changer.

Cette alliance du crédit public et du crédit privé serait fondée sur la base de la garantie d’intérêt, long-temps repoussée, tournée en dérision, puis mise en oubli, et en faveur de laquelle nous avons des premiers, dans un autre recueil, demandé un examen plus attentif. Une preuve que ce système mixte, le seul qui nous ait semblé convenir à la position exceptionnelle des capitaux français, des habitudes françaises, commence à faire son chemin dans les esprits, c’est que le Journal des Débats l’a pris enfin sous sa protection, dont nous reconnaissons toute l’importance. Dans un article publié le 16 décembre dernier, après avoir affirmé que le ministère pourrait mettre les deux grandes sociétés expectantes, celles du Hâvre et d’Orléans, en demeure de commencer leurs travaux (ce qui n’est pas encore vrai, puisqu’elles ont jusqu’au 6 et 7 juillet 1839 pour se décider sans contrainte) ; après avoir défié les chefs de ces entreprises d’accuser le gouvernement, en se signalant eux-mêmes au public, ces hommes graves, comme des étourdis à la naïveté desquels on a tendu des embûches (et en effet on leur a donné des devis menteurs), le Journal des Débats se résigne à indiquer la garantie d’intérêt comme le remède souverain à la maladie de langueur dont sont atteintes les compagnies.

Cela est d’autant plus méritoire que, le 7 novembre précédent, trois jours après le cri de détresse que nous avions fait entendre pour elles, mais non pas en leur nom, le Journal des Débats parlait tout à son aise de l’état de leurs affaires qu’il jugeait encore très rassurant — « Pour nous, disait-il, qui sommes profondément convaincus des avantages matériels que l’esprit d’association doit valoir au pays, et qui sommes même disposés à lui attribuer une influence politique salutaire, nous ne sommes ni aussi alarmés du mal, ni aussi impatiens du remède… Nous ne craignons pas d’être pris pour des adversaires des compagnies en disant que le mal nous paraît être autre que celui qui a été fréquemment signalé, qu’il est beaucoup moins grave qu’on ne l’a prétendu, et que nous ne concevrions pas, dans l’état présent des choses, l’intervention immédiate du gouvernement et des chambres. Une crise a eu lieu dans l’enceinte de la Bourse ; cette crise a un instant paru compromettre l’avenir de toutes les compagnies, nous ne le contestons pas ; mais cet avenir a-t-il été sérieusement en question un seul instant ? C’est ce qu’il nous est impossible d’admettre… La construction d’un seul chemin de fer important à la prospérité du pays n’en sera point suspendue ; car le capital entier des compagnies sera fourni, la valeur totale des actions sera versée ! »