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LES CHEMINS DE FER, L’ÉTAT, LES COMPAGNIES.

d’exécution : ce serait une adjudication au minimum, tandis que la rente s’adjuge au maximum du capital offert en échange.

Il est probable que le montant des devis, dressés par la direction des ponts-et-chaussées, servirait de point de départ pour la mise à prix. Cela posé, imagine-t-on qu’une compagnie se rendrait le public favorable et lui ferait accepter facilement toutes ses actions, si elle se présentait à lui, après avoir emporté la concession par un rabais considérable sur le chiffre officiel, connu de tous, déclaré indispensable pour les frais de l’entreprise, et qu’on supposerait toujours inférieur aux dépenses réelles, comme tant de devis l’ont prouvé ? Dans les jours d’engouement de la spéculation, et même il y a un an, lorsque les fondateurs des deux plus importantes lignes, Orléans et les Plateaux, n’avaient pas encore donné la mesure de leur impuissance, une adjudication au rabais, qui serait descendue même jusqu’à réduire par le fait la garantie de l’état de 4 pour 100 à 2, aurait attiré les actionnaires en foule. Mais ces jours de folie ne reviendront plus, et la cupidité des chefs de l’agiotage ne conserve plus, à ce sujet, aucune illusion, même pour le plus lointain avenir. Rapportons-nous-en à leur sagacité. Quand ils désespèrent, ils se trompent rarement.

Maintenant, supposons que le rabais fût imperceptible et que le privilége d’un tracé fût adjugé presque au taux de la mise à prix. Cela prouverait l’une ou l’autre de ces deux choses : ou l’absence d’une sérieuse concurrence, ou, ce qui vaudrait moins encore, la connivence des soumissionnaires affectant une fausse rivalité. Dans ces deux cas, il serait préférable que le gouvernement, avec plus de franchise et de hardiesse, prit sur lui de faire une concession directe, d’après les prévisions de ses ingénieurs : au moins de cette manière, il y a mille considérations de solidité financière, d’habileté exécutive, de valeur morale, qui seraient discutées dans la personne du concessionnaire, à l’avantage du public. Quand on préconise l’adjudication, cette aveugle loterie, cet expédient commode pour décharger le pouvoir de toute responsabilité, on oublie trop ce qu’elle peut prodiguer d’occasions de profits inaperçus dans les marchés à conclure, dans les fournitures de fer, à des hommes dont on n’aurait pas d’avance apprécié la position et le caractère.

Nous allons plus loin. Ni l’une ni l’autre de ces deux hypothèses, soit l’adjudication à un rabais insignifiant, soit la concession directe à quelques spéculateurs en renom, ne nous paraît être ce qui convient le mieux, dès-lors que l’état garantit l’intérêt d’une somme convenue, équivalente ou à peu près au taux des devis. Cet encouragement éventuel, hypothéqué sur le trésor national, ne doit pas