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Heureusement, cette confiance prophétique n’était point partagée par tout le monde, et des esprits prévoyans, des députés que la chambre écoute avec une juste faveur dans toutes les questions financières, s’occupaient en silence, nous le savons, de rechercher les moyens législatifs qui pourront le mieux concilier la garantie d’intérêt avec l’économie convenable des deniers publics, et aussi avec les avantages qu’on doit assurer, ce nous semble, aux vrais et définitifs actionnaires, mais le moins possible aux promoteurs des spéculations de Bourse. N’est-il pas superflu d’ajouter que M. Duchâtel est un de ceux qui se sont le plus sérieusement occupés de ce problème, lequel ne sera pas insoluble, nous l’espérons ? Quand il en sera temps, nous dirons à quel système d’application est arrivé cet esprit méditatif, et d’ailleurs éprouvé par les affaires. Sur le principe même, sur sa nécessité, son urgence, il est d’accord avec nous, et il compte bien ne pas entraîner le trésor public à de folles prodigalités.

Ce suffrage et d’autres encore nous laissent croire que le principe de la garantie d’intérêt prévaudra. Nous voyons que la préoccupation actuelle est surtout d’aviser à le formuler avec prudence. Cela nous fortifie un peu contre la menace d’un journal, grand démolisseur, quoique partisan du pouvoir, qui déclare la guerre au principe même en quelques mots et qui se décidera peut-être un jour à démontrer qu’une telle théorie ne supporte pas la discussion.

Jusque-là, nous la regardons, cette théorie, comme en progrès, et si bien que nous allons exposer, sans plus de retard, quelques objections ou seulement nos scrupules touchant le mode le plus naturel d’application qui devra s’offrir nécessairement à l’esprit. Un premier aperçu nous frappe, ainsi que tous ceux qui réfléchissent sur cette matière : c’est qu’une action de chemin de fer, une fois garantie par l’état, à raison de 4 pour 100, dont 1 réservé à l’amortissement, je suppose, sera bien vite assimilée par les preneurs à une rente ordinaire consolidée, avec le seul désavantage d’un intérêt plus faible, mais aussi avec la chance d’un accroissement ultérieur de bénéfices. De cette manière d’envisager la nouvelle espèce de fonds, au parti pris de l’adjuger aux compagnies concurrentes sur soumissions cachetées et publiquement, comme le 5, ou le 4, ou le 3 pour 100 dans un cas d’emprunt, il n’y a qu’un pas facile à franchir. Les financiers se complaisent dans l’uniformité des procédés à leur usage. Ainsi, à ce point de vue, on donnerait une entreprise de chemin de fer, comme on donne de la rente, avec cette différence que la concession aurait lieu au profit de la compagnie qui se contenterait d’une garantie affectée à une plus faible quotité du capital