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VOYAGEURS ET GÉOGRAPHES MODERNES.

gariser l’emploi de l’astrolabe pour la mesure des hauteurs solaires ; la boussole était acquise à la navigation. Ainsi, par le calcul combiné du méridien et du parallèle, le pilote pouvait, loin de tout rivage, déterminer la position précise de son navire, et, à l’aide de son compas, le maintenir dans la route la plus directe et la plus sûre. L’audace soudaine qui se manifesta chez les praticiens n’était donc pas un phénomène sans cause ; les travaux des théoriciens avaient ouvert cette voie aux esprits aventureux. Depuis un siècle environ, l’Italie et l’Allemagne possédaient des écoles d’astronomie et de physique, pépinières de maîtres célèbres et d’ouvriers intelligens. Nous avons cité Martin Behain ; il faut y ajouter le Florentin Toscanelli, qui eut quelques relations avec Colomb, et Dominique Maria de Bologne, qui fut, à ce que l’on croit, l’un des professeurs de l’illustre Copernic. D’où il résulte que, s’il y eut un peu de témérité dans l’élan de la navigation à cette époque, il y eut encore plus de calcul. Ce fut un hasard peut-être qui livra à Colomb l’Amérique, sur laquelle, assure-t-on, il ne comptait pas ; mais ce qui n’était pas douteux pour l’illustre marin, quand il quitta les côtes de l’Espagne, c’est qu’avec du temps et des vivres il devait, en courant toujours vers l’ouest, et aucune terre intermédiaire ne se présentant, aboutir immanquablement aux Indes. C’était la conséquence forcée de la sphéricité terrestre.

Quoi qu’il en soit, au moment où Colomb s’ébranle, la géographie en est encore à peu près au point où l’a laissée Ptolémée. L’Europe, l’Asie, le nord de l’Afrique, et les îles qui en forment comme les satellites, sont connus tant bien que mal ; mais au-delà des Açores et des Canaries, et dans cet espace de deux cents méridiens qui court de l’île de Fer au Japon, les cartes n’offrent que du vide : le périmètre de l’Afrique demeure flottant et indéterminé. Il ne manque à la science que deux mondes complets, le monde américain et le monde maritime ; les trois quarts d’un autre monde, l’Afrique, et un nombre illimité d’accessoires. Eh bien ! le génie des découvertes s’empare alors du globe avec tant de puissance et d’autorité, qu’en moins de trois siècles ce travail gigantesque s’accomplit presque en entier. C’est la seconde phase de la géographie, celle qui fait la gloire de l’ère moderne.

L’élan est donné ; le problème terrestre est poursuivi dans ses deux inconnues : Colomb cingle vers l’ouest, et y trouve un continent ; Vasco de Gama gouverne au sud, et arrive dans l’Inde par le cap de Bonne Espérance. L’enthousiasme s’en mêlant, les continuateurs abondent. Ce sont, en Amérique, Balboa, Fernand Cortèz, Pizarre, Améric