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Vespuce, Sébastien Cabot, Walter Raleigh ; en Asie, Albuquerque, Barros, Ferdinand Perès, Barthélemy Dias. Vingt ans ne se sont pas écoulés, que Magellan double le cap Horn et exécute le premier tour du monde. Mendana et Quiros le suivent. Quelques groupes océaniens sont découverts. Jusqu’ici l’Espagne et le Portugal ont seuls marqué leur place dans cette grande invasion maritime. À leur tour, la Hollande et l’Angleterre entrent dans la lice. Les deux puissances catholiques voulaient, avant tout, convertir le globe ; les deux puissances luthériennes cherchent plutôt à le coloniser. Le génie religieux lutte quelque temps avec le génie commercial ; mais enfin ce dernier l’emporte. Le sceptre de la mer demeure aux argonautes marchands. La France demande sa part de ces îles, de ce littoral que l’on se découpe ; elle n’obtient que des ébarbures. Cependant, si les ouvriers changent, l’œuvre ne change pas. La civilisation sillonne les océans, s’impose aux peuples barbares ou sauvages, les séduit par ses raffinemens ou les dompte par ses ressources. Elle tient le globe dans ses mains, et semble vouloir le pétrir jusqu’à ce que toutes ses aspérités s’effacent.

Vraiment, quand on assiste à ce spectacle merveilleux, on se sent ébloui et pris de vertige. Autrefois c’était la barbarie qui débordait, à un moment donné, sur la civilisation ; aujourd’hui c’est la civilisation qui va au loin déborder sur la barbarie. Le mouvement a lieu en sens inverse, mais le résultat demeure toujours le même : vaincue dans son foyer, ou conquérante hors de son foyer, la civilisation s’assimile toujours les élémens qui s’exposent à son contact ; ce qui lui résiste périt. Elle élève, elle redresse ; elle ne descend pas, elle ne déchoit pas. Ainsi le veut la hiérarchie des êtres. Les organisations les plus nobles sont celles qui donnent le ton, et l’autorité est en raison de la supériorité. L’ascendant de l’Europe sur le monde tient à cette cause. L’Europe n’a de force et de vertu que par le principe civilisateur qu’elle représente, c’est là son levier. Voyez où en est le globe depuis qu’il a été attaqué ainsi et par tous les bouts ! Peut-on citer aujourd’hui un seul continent où l’Europe ne revive pas, et dans ses idées, et dans ses usages, et dans sa population ? Est-il quelque part une influence qui ait osé tenir devant la sienne ? L’Asie est-elle encore l’Asie ; l’Amérique est-elle encore l’Amérique ; l’Océanie est-elle encore l’Océanie, et n’y a-t-il pas beaucoup d’Europe au milieu de tout cela ? Récapitulons : en Océanie l’Europe est partout ; elle a fondé Sydney et les colonies pénales de l’Australie ; elle est à Hobart-Town, elle est dans les îles Malaises,