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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/18

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REVUE DES DEUX MONDES.

peu de science historique dans l’arrêt du parlement de Paris, favorable à l’antique liberté municipale de Reims[1]. Il ne trouve rien de commun entre les sénats des cités gallo-romaines et l’échevinage des villes du XIIe siècle, rien dans les actes publics ou privés des deux premières races qui dénote l’existence d’une magistrature et d’une justice urbaines. « Prétendre, dit-il assez cavalièrement, que quelques villes ont pu conserver leur liberté pendant les troubles qui donnèrent naissance au gouvernement féodal, et reconnaître cependant un seigneur, c’est avancer la plus grande des absurdités… Soutenir que quelques villes, en se révoltant, ont pu secouer le joug de leur seigneur avant le règne de Louis-le-Gros, c’est faire des conjectures qui n’ont aucune vraisemblance et que tous les faits semblent démentir[2]. »

Du reste Mably n’a pas toujours heurté aussi rudement la vérité historique ; il se trouve même en plusieurs points d’accord avec elle. Il a vu juste sur l’ancienne organisation des tribus frankes, sur l’absence chez elles d’un corps de noblesse privilégié, et sur le sens si controversé des mots terre salique, mots qui désignaient simplement l’héritage en biens-fonds, le domaine paternel chez les Franks saliens, et non une terre concédée pour un service public, non pas même un lot de terres conquises[3]. Les nations germaines qui ne devinrent point conquérantes comme les Franks et restèrent établies au-delà du Rhin, excluaient de même les filles de tout partage de la succession immobilière. La loi des Thuringiens s’énonce là-dessus de manière à rendre parfaitement clairs les motifs d’une pareille exclusion ; voici les termes de cette loi :

« Que l’héritage du mort passe au fils et non à la fille. Si le défunt n’a pas laissé de fils, que l’argent et les esclaves appartiennent à la fille, et la terre au plus proche parent dans la ligne de descendance paternelle. S’il n’y a pas de fille, la sœur du défunt aura l’argent et les esclaves, et la terre passera au plus proche parent du côté paternel. Que si le défunt n’a laissé ni fils, ni fille, ni sœur et que sa mère seulement lui survive, la mère prendra ce qu’aurait dû avoir la fille ou la sœur, c’est-à-dire l’argent et les esclaves. S’il n’y a ni fils, ni fille, ni sœur, ni mère survivans, celui qui sera le plus proche dans la ligne paternelle prendra possession de tout

  1. Observations sur l’histoire de France, tom. III, remarques et preuves, pag. 325.
  2. Ibid., ibid.
  3. Ibid., tom. II, remarques et preuves, pag. 243, 363.