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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/19

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DES SYSTÈMES HISTORIQUES.

l’héritage, tant de l’argent et des esclaves que de la terre. Quel que soit celui auquel la terre sera dévolue, c’est à lui que doivent appartenir le vêtement de guerre, c’est-à-dire la cuirasse, la vengeance des proches, et la composition qui se paie pour l’homicide[1]. »

Le succès de l’ouvrage de Mably fut immense ; pour lui, il n’y eut pas de partage de l’opinion comme pour les théories de Dubos et de Boulainvilliers, il trouva dans toutes les classes de la nation des admirateurs et des prosélytes. Adhérer au nouveau système, c’était faire preuve de philosophie, de patriotisme et de libéralité d’ame[2] ; il exerçait sur les esprits les plus graves et les plus capables de le juger une sorte de fascination. En 1787, l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres accepta la mission de décerner le prix d’un concours ouvert pour l’éloge de l’auteur des Observations sur l’histoire de France. Cette académie, gardienne de la méthode et de la vérité historiques, couronna un discours où, entre autres choses du même genre, se trouvait le passage suivant : « Deux idées neuves et brillantes ont frappé tous les esprits. La première est le tableau d’une république des Francs qui, quoi qu’on en ait dit, n’est nullement imaginaire. On y voit la liberté sortir avec eux des forêts de la Germanie, et venir arracher la Gaule à l’oppression et au joug des Romains. Clovis n’est que le général et le premier magistrat du peuple libérateur, et c’est sur une constitution libre et républicaine que Mably place, pour ainsi dire, le berceau de la monarchie… La seconde est la législation de Charlemagne. C’est à ce grand homme, qu’il regarde comme un phénomène en politique, que Mably s’est arrêté avec le plus de complaisance ; il nous montre, dans Charlemagne, le philosophe, le patriote, le législateur ; il nous fait voir ce monarque abjurant le pouvoir arbitraire toujours funeste aux princes. Charles reconnaît les droits imprescriptibles de l’homme qui étaient tombés dans l’oubli[3]… »

  1. Hereditatem defuncti filius non filia suscipiat. Si filium non habuit qui defunctus est, ad filiam pecunia et mancipia, terra verò ad proximum paternæ generationis consanguineum pertineat… ad quemcumque hereditas terræ pervenerit, ad illum vestis bellica, id est lorica et ultio proximi et solutio leudis debet pertinere. (Lex Angliorum et Werinorum, hoc est Thuringorum, apud Canciani Barbarorum leges antiq., tom. III, pag. 31.)
  2. « Ses principes ont été adoptés par tous ceux qui n’ont pas l’ame servile, les bons citoyens, tous les Français qui aiment encore la patrie. » (Éloge historique de Mably, par l’abbé Brizard, en tête des Observations sur l’histoire de France, édition de 1788, tom. I, pag. 46.)
  3. Ibid., pag. 41.