Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
194
REVUE DES DEUX MONDES.

gyle, en robe de lord de justice général. On voit aussi au Town-Hall la statue en marbre de Pitt par Flaxman. Cette statue n’est pas sans mérite ; la conception en est simple et forte, mais l’exécution nous a paru singulièrement fruste ; on dirait une copie négligée. Flaxman est froid, mais il n’est pas ridicule ; il outre plutôt la simplicité de ses personnages qu’il ne leur fait jouer la comédie, comme tels de nos statuaires ; il ne croit pas, comme eux, que la sculpture ne peut vivre que du geste, et que plus le geste est exagéré, plus la statue a de mérite ; il a plutôt donné à M. Pitt l’air d’un philosophe qui médite que l’air d’un politique qui parle et qui combine. Du reste, nul contre-sens grossier dans la pose ; aucun de ces airs de tambour-major ou de maître de danse donnant des leçons d’attitudes nobles ; avant tout, Flaxman est naturel, qualité rare chez un homme qui a plus étudié l’antique que la nature.

Sous les arcades de Town-Hall, et en face d’une médiocre statue équestre de Guillaume III, s’ouvre la vaste salle du Tontine Coffee-Room. Cette salle, de quatre-vingts pieds de long sur quarante de large, est voûtée et a l’air d’une église habitée. De distance en distance et tout autour de la salle sont disposées de petites tables couvertes de liasses de journaux, de revues et de brochures de tous les pays de l’Europe, des deux Amériques, de la Chine, de Botany-Bay. The Tontine Coffee-Room ressemble donc plutôt à un salon de lecture qu’à un café : c’est un établissement tout-à-fait libéral ; c’est là que se rassemblent les commerçans de la ville, pour causer d’affaires et de politique ; un étranger y est admis sur sa simple demande, par cela seul qu’il est étranger. Des brochures et des montagnes de journaux sont mises gratuitement à sa disposition. Royal-Exchange a un établissement du même genre. Les vastes salles de cet immense édifice sont abondamment pourvues de tous les journaux ; les nouvelles les plus fraîches du commerce et de la navigation y sont affichées d’heure en heure ; tout étranger dont la mise est convenable y est admis sans difficulté. Là, et dans the Tontine Coffee-Room, on rencontre tout ce que le commerce de la ville possède d’hommes intelligens et éclairés.

Le Town-Hall est bâti à l’extrémité nord-est de la Trongate. La Trongate est une rue de quatre-vingts à quatre-vingt-dix pieds de large, sur près de trois quarts de lieue de long. Elle s’étend parallèlement à la Clyde, entre cette rivière et la nouvelle ville ; elle est bordée de trottoirs dans toute son étendue. C’est la rue la plus commerçante de la ville. Des boutiques, dont quelques-unes, celles qui avoisinent le Town-Hall, sont fort élégantes, occupent le rez-de-chaussée de maisons plus élevées et mieux bâties que celles du Strand à Londres. La Trongate a d’ailleurs quelque analogie avec le Strand, sous le rapport de la situation, de l’aspect et du mouvement. Le point de vue le plus remarquable que présente cette longue rue, est celui du Town Hall, vu de l’angle de Buchanan-Street. Des tours d’un dessin bizarre, surmontées de clochetons en forme de minarets orientaux, et l’architecture travaillée du Town-Hall, composent l’un des plus riches tableaux d’intérieur de