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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/220

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perstitieuse ; c’était un désir sincère de m’instruire et d’utiliser, pour les autres hommes, un document précieux, sans doute, sur les questions importantes dont j’étais occupé. Je regardais la publication immédiate ou future de ce manuscrit comme un devoir ; car, de quelque façon que je vinsse à considérer les rapports étranges que mon esprit avait eus avec l’esprit d’Hébronius, il me restait la conviction que, durant sa vie, cet homme avait été animé d’un grand esprit.

Pour la troisième fois, dans l’espace d’environ vingt-cinq ans, j’entrepris donc, au milieu de la nuit, l’exhumation du manuscrit. Mais ici, un fait bien simple vint s’opposer à mon dessein, et, tout naturel que soit ce fait, il me plongea dans un abîme de réflexions.

Je m’étais muni des mêmes outils qui m’avaient servi la dernière fois. Cette dernière fois, tu te la rappelles, malgré la longueur de ce récit ; tu te souviens que j’avais alors trente ans révolus, et que j’eus un accès de délire et une épouvantable vision. Je me la rappelais bien aussi, cette hallucination terrible, mais je n’en craignais pas le retour. Il est des images que le cerveau ne peut plus se créer, quand certaines idées et certains sentimens qui les évoquaient n’habitent plus notre ame. J’étais désormais à jamais dégagé des liens du catholicisme, liens si étroitement serrés et si courts, qu’il faut toute une vie pour en sortir, mais, par cela même, impossibles à renouer, quand une fois on les a brisés.

Il faisait une nuit claire et fraîche ; j’étais en assez bonne santé : j’avais précisément choisi un tel concours de circonstances, car je prévoyais que le travail matériel serait assez pénible. Mais quoi ! Angel, je ne pus pas même ébranler la pierre du hic est. J’y passai trois grandes heures, l’attaquant dans tous les sens, m’assurant bien qu’elle n’était rivée au pavé que par son propre poids, reconnaissant même les marques que j’y avais faites autrefois avec mon ciseau, lorsque je l’avais enlevée légèrement et sans fatigue. Tout fut inutile ; elle résista à mes efforts. Baigné de sueur, épuisé de lassitude, je fus forcé de regagner mon lit et d’y rester accablé et brisé pendant plusieurs jours.

Ce premier échec ne me rebuta pas. Je me remis à l’ouvrage la semaine suivante, et j’échouai de même. Un troisième essai, entrepris un mois plus tard, ne fut pas plus heureux, et il me fallut dès lors y renoncer, car le peu de forces physiques que j’avais conservées jusque-là m’abandonna sans retour à partir de cette époque. Sans doute, j’en dépensai le reste dans cette lutte inutile contre un tom-