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ancêtres, jusqu’à la vingtième génération, sans omettre un seul degré. C’est par ce moyen qu’ils conservent le souvenir du passé et la connaissance de leurs affinités, en sorte que chez les Bédouins personne ne peut s’imposer à une autre famille que la sienne, ni prétendre à un autre qu’à son père. — La générosité, et particulièrement la générosité hospitalière, est une vertu arabe ; le pauvre Bédouin, qui ne possède en ce monde qu’une chamelle et son petit, sur quoi repose toute sa subsistance, recevant inopinément un voyageur anuité, qui se contenterait d’une bouchée arrosée d’une gorgée de lait, n’hésite pas à faire à l’étranger le sacrifice de sa chamelle, et consent à perdre tout son temporel pour acquérir en échange le renom d’homme généreux, d’homme qui traite bien son monde. — Leur langue, avec tout ce qui s’y rattache, poésie, maximes philosophiques, etc., est un des plus beaux présens que le ciel ait faits à la terre. Rien de plus nombreux, de plus varié, de mieux cadencé que la poésie arabe ; rien de plus doux à l’oreille que ses rimes ; c’est la perfection du langage métrique. Ajoutez à cela l’intelligence du poète et des auditeurs, qui ont tous des connaissances pratiques, savent lancer un proverbe dans l’avenir, excellent dans les descriptions, et trouvent dans leur répertoire de mots ce que l’on chercherait vainement dans tout autre. — Leurs chevaux sont, d’un consentement universel, les plus beaux chevaux du monde, leurs femmes sont les plus chastes des femmes, leurs vêtemens les plus gracieux qui se puissent imaginer, leurs mines des mines d’or et d’argent, les cailloux de leurs montagnes des onyx, leurs dromadaires la meilleure monture de voyage, la seule avec laquelle on puisse traverser un désert. — Quant à leur religion et aux lois qui en dérivent, ils les environnent d’un respect profond et s’y soumettent avec une obéissance absolue. Ils ont des mois sacrés (mois de trève), un territoire sacré (où le meurtre est interdit), une maison (un temple, la Kabah) où ils se rendent en pèlerinage, célèbrent leurs mystères et immolent leurs victimes. Là, un Arabe rencontrera le meurtrier de son père ou de son frère ; il ne tiendra qu’à lui de se venger, et pourtant il n’en fera rien, parce que l’honneur et la religion lui interdisent la vengeance sur le territoire sacré. — En ce qui concerne leur bonne foi et la sainteté de leurs engagemens, il suffira, pour en donner une idée, de dire qu’ils se croient liés par un regard, par un geste, dont le sens est connu, — à tel point que l’obligation née de ce geste ne peut finir qu’avec la vie de celui qui l’a contractée. Un Arabe, faisant un emprunt, ramassera une buchette à l’endroit où il se trouve, et la donnera en gage au créancier, et le