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L’ARABIE.

comprends la Mecque et Médine dans le littoral). On ne saurait donc trop déplorer les pertes énormes que le vice-roi fait annuellement en argent et en hommes pour étendre sa puissance vers l’intérieur.

Le cercle vicieux dans lequel il tourne et se débat depuis vingt ans est celui-ci : Pour conduire une armée à la conquête de l’Arabie, il faut plus de chameaux que de soldats, et pour avoir les chameaux, il faut être maître de l’Arabie.

La question de la conquête est invinciblement ramenée à une question de transports, et celle-ci ne peut être résolue que par la conquête.

Le but immédiat et avoué du vice-roi en cherchant à étendre sa domination sur les Arabes, est d’obtenir des soldats. À cet effet il paie des Maugrebins et des Arnautes, sacrifie des Syriens et des Égyptiens, avec une persévérance digne d’un meilleur but. Les troupes régulières réparties dans le Hidjâz et le Yaman[1] forment à présent un ensemble de vingt mille hommes, auxquels il faut joindre environ dix mille hommes, cavalerie maugrebine ou infanterie turque, et quelques bouches à feu. Tout cela est plus que suffisant pour conserver le terrain acquis et achever l’occupation du Yaman occidental, y compris Sanâ. Mais le double et le triple, sans moyens de transport, n’avanceraient pas d’une étape la conquête de l’Arabie.

Le gouvernement civil et militaire du Hidjâz et du Yaman appartient nominalement à un neveu du vice-roi, Ahmed-Pacha, — mais se trouve, par le fait, divisé en trois pachaliks : — celui du nord, dont le siége est à Médine, et qui embrasse, ou plutôt voudrait embrasser, le Nadjd proprement dit, la patrie du cheval et du chameau ; — celui du centre, dont le siége est la Mecque ; — et celui du Yaman, dont le siége est tantôt à Mokha, tantôt à Hodaydah.

Khourschid-Pacha, Géorgien, ci-devant mamelouk de son altesse, commande le corps d’armée du nord et gouverne Médine.

Ahmed-Pacha, le général en chef, gouverne la Mecque.

Son frère, Ibrahim-Pacha-le-Jeune, occupe le Yaman. Au moment où je quittais l’Arabie, ce dernier venait de prendre Taëzz et Odayn, il n’attendait qu’un renfort pour faire son entrée triomphante à Sanâ.

Le caractère le plus saillant des Arabes qui se trouvent aujourd’hui, de gré ou de force, en rapport avec les Turcs, est l’amour du

  1. C’est ainsi que l’on désigne la portion de l’Arabie occupée par les Turcs, et souvent même l’Arabie entière. Cette désignation, fort indéterminée, répond à la dénomination non moins vague de Saba et Dedân, que l’on rencontre si souvent dans la Bible, car ni les Hébreux ni les Arabes n’ont eu un mot équivalent à celui d’Arabie.