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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/259

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L’ARABIE.

portion notable de la population mâle meurt des suites de cette opération.

On conçoit que des hommes qui ont voulu et pu conserver de pareilles mœurs à travers le développement de la civilisation musulmane, doivent tenir singulièrement à leur nationalité et ne sont pas faciles à réduire. Ce sont d’ailleurs d’incommodes voisins, qui détestent les Turcs aussi cordialement qu’un bon huguenot le pape, et ne laissèrent jamais échapper une occasion (par eux jugée favorable) de fondre, ou sur le Haram (le territoire sacré) au nord, ou sur le Yaman au midi.

La montagne du Yaman présente un aspect tout différent ; c’est, à très peu près, celui que devaient offrir nos campagnes sous le régime féodal. On sait d’ailleurs que le Yaman ou l’Arabie heureuse est un pays très anciennement civilisé, — le plus anciennement civilisé peut-être de l’Arabie et du monde, et par conséquent un pays d’hommes amollis. Les Turcs en viendront d’autant plus facilement à bout, que les habitans, fatigués des guerres éternelles de leurs schaykhs, c’est-à-dire de leurs barons, ne demandent qu’à se jeter dans les bras d’un gouvernement protecteur. Et en effet, quel intérêt national peuvent prendre les cultivateurs du Yaman à des luttes dans lesquelles ils ne figurent que comme prix du vainqueur ? car leurs chefs ne se battent qu’avec des soldats étrangers, de véritables Reîtres, attirés de l’intérieur (du Djarof ou du Hadramant) par l’appât d’une solde ou du pillage. — Enfin, dans le Yaman, il y a des villes opulentes, mais dans l’inexpugnable Assîr, rien que de misérables villages. — On veut le Yaman pour lui-même ; on veut la Mecque pour elle-même ; on veut l’Assîr pour n’être point inquiété dans la jouissance de la Mecque et du Yaman, et assurer la communication par terre entre Djeddah et Hodaydah ; car il y a dans l’intervalle, à peu de distance de Djézân, un point où la montagne qui défie les Turcs, s’avance jusqu’à la mer, et leur barre le passage. Ce point est occupé par les Wahhâbites. À cela près, les Turcs ont tout le littoral, depuis Suez et l’Ackabah jusqu’au détroit de Bâb-al-Mandab.

Une autre partie de la conquête, partie dont la possession est encore mal assurée, mais intéresse le pacha au plus haut degré, c’est la ligne transversale qui s’étend de Médine vers le Nadjd ou le pays des Wahhâbites orientaux. Ceux-ci, que j’appellerais volontiers les Arabes par excellence, s’ils n’avaient pas subi la double influence du fanatisme puritain et de la domination turque, combinent les avantages des scénites avec ceux des cultivateurs, ont les plus beaux che-