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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/263

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STANCES À LA PRINCESSE MARIE.


Amour, religion, liberté, choses vaines,
En ce temps d’égoïsme où chacun tire à soi,
Où les ambitions et les publiques haines
Occupent tant les cœurs, qu’en un pareil émoi,
Nul ne trouve le temps de songer à ses peines.
Qu’importent la patrie, et le peuple, et le roi ?

Cependant, en ces jours de rare sympathie,
S’il se rencontre au monde un destin malheureux
Auquel de toutes parts la foule s’associe,
Qui vienne ranimer dans notre ame engourdie
La cendre tiède encor des souvenirs pieux,
Et de suaves pleurs inonde encor nos yeux,

N’est-ce pas le destin de cette jeune femme,
Fille des rois, qui porte, à son front couronné,
Le signe glorieux de la divine flamme,
Et si jeune, à vingt ans, Seigneur, vous rend son ame,
Et meurt entre le bloc par ses mains façonné
Et le calme berceau de son fils nouveau-né ;

Comme le lys royal, honneur de la prairie,
Qui tombe au jour naissant sous la main du faucheur ;
Comme le son joyeux qui s’éteint et qui meurt,
Avant d’avoir fourni son temps de mélodie,
Et comme la rosée enlevée à la fleur
Par le soleil ardent qui ramasse la pluie ?

Et pourtant, quel destin plus aimable et plus doux !
Quelle mélancolique et suave existence !
Comme dans un jardin, au printemps qui commence,
Vous marchiez dans la vie en souriant à tous,
Et les plus belles fleurs de gloire et d’espérance
Dans l’humide gazon semblaient s’ouvrir pour vous.

Princesse, vous aimiez votre royale mère,
Vous aimiez notre France à l’égal d’une sœur.
La muse athénienne aussi, la muse austère,
Avait pressé sur vous ses mamelles de pierre ;
Et ces riches amours que vous aviez au cœur,
Vous pouviez à loisir toutes les satisfaire.