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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/264

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REVUE DES DEUX MONDES.


Oui, vos jours furent doux, harmonieux, sereins,
Blonde Muse de France assise au pied du trône,
Un ciseau dans les mains, au front une couronne.
Aussi ce n’est pas vous, princesse, que je plains,
Car vous avez senti, dans vos loisirs divins,
Toutes les voluptés que l’art sublime donne.

Et cela sans remords, sans repentir amer,
Sans avoir rien appris de la sombre tristesse,
Du découragement, qui, de son bras de fer,
Terrasse les plus forts aux pieds de la déesse,
Et fait que, sans raison, dans la fièvre et l’ivresse,
On blasphème aujourd’hui ce qu’on chantait hier.

Ah ! vos illusions, vous les avez gardées,
Et lorsque, sur le soir, l’archange du tombeau
A touché votre front de son triste rameau,
Alors, princesse, alors vos sereines idées
Ont remonté vers Dieu, comme, au soleil nouveau,
Les plus purs diamants des récentes ondées.

L’art vous avait donné ses trésors les plus doux ;
Votre œuvre était sacrée, on oubliait pour vous
Les haines qu’ici-bas provoque le génie ;
Et comme le Seigneur vous avait, dans la vie,
Placée ainsi trop haut pour avoir des jaloux,
À la Mort seulement vous pouviez faire envie.

Votre double couronne avait frappé ses yeux ;
Tant de gloire et d’éclat faisait sa convoitise,
Et tandis que de loin, la nation éprise,
Poussait en chœur vers vous sa louange et ses vœux,
Comme une ombre, la Mort vous suivait en tous lieux,
Sous les ombrages verts, au théâtre, à l’église ;

Et pour être plus libre à vous faire sa cour,
Elle vint se placer entre la multitude
Et votre bloc de marbre, hélas ! et chaque jour
Elle éloignait de vous, en son inquiétude,
Quelque objet de tendresse ou de sollicitude ;
Car la Mort est jalouse en son terrible amour.